Quatre jours après la double explosion qui a tué au moins 150 personnes et fait plus de 5.000 blessés à Beyrouth, un vent de révolte souffle sur la capitale libanaise. "En quelques semaines, les Libanais sont passés d’une sorte de dépression collective à la détermination", estime Karim Émile Bitar, directeur de l'Institut des sciences politiques de l’université Saint-Joseph de Beyrouth et chercheur associé à l'Iris. "Ils veulent aller au bout, faire tomber la caste politique qui les gouverne depuis une trentaine d’années avec un degré d'incompétence et de corruption qui a atteint son comble avec cette explosion", poursuit-il samedi matin sur Europe 1.
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Une gigantesque manifestation doit avoir lieu samedi après-midi pour dénoncer la corruption du système politique libanais. "Dans les prochaines semaines, la mobilisation va encore grandir car il y a encore des craintes dues à la pandémie de coronavirus. Ce n’est peut-être que le début de la seconde phase de la révolution libanaise, qui avait commencé en octobre dernier", prédit Karim Émile Bitar.
Les libertés publiques se réduisent
Mais le gouvernement va-t-il laisser un tel vent de révolte se propager ? "Le gouvernement réprime depuis quelques semaines. Les libertés publiques commencent à se réduire. Historiquement, le Liban est un pays où on peut s’exprimer librement, contrairement aux autres pays de la région. Mais les blogueurs ou les blagues sur les réseaux sociaux sont plus réprimés qu’avant. On peut se faire convoquer dans les bureaux de la cybercriminalité pour un simple post sur Facebook ou sur Twitter. Mais les Libanais ne sont pas prêts à se laisser faire, c’est dans l’ADN de ce pays. Ce ne sera pas facile pour les autorités de faire taire un peuple tout entier", analyse le chercheur.
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Des élections anticipées espérées
Reste à savoir si les manifestations aboutiront à un changement profond de la classe politique du pays. "L’insurrection ne pourra porter ses fruits que si on parvient à transformer l’essai politiquement. Le problème, c’est que les élections ne doivent avoir lieu que dans deux ans et la classe politique est réticente à organiser des élections anticipées. Certains parlementaires vont peut-être démissionner pour essayer de provoquer des élections anticipées. Mais seront-ils assez nombreux ? Il faudra engager un bras de fer avec les autorités mais elles vont tout faire pour ne pas céder le pouvoir", développe-t-il.
Le second souffle de la révolution ?
Karim Émile Bitar estime également que la visite du président Macron a accéléré le processus du changement. "Elle a donné du baume au cœur à ceux qui espèrent un changement politique radical. Le processus ne pourra pas faire du jour au lendemain mais la colère est telle à Beyrouth que l’on peut espérer que ce second souffle de la révolution pourra accélérer cette transition politique", conclut-il.