Facebook était au courant dès 2014 d'activités russes potentiellement malveillantes sur sa plateforme, soit bien avant que les faits ne soient révélés au public, a affirmé mardi le président d'une commission parlementaire britannique.
Le géant américain des réseaux sociaux est depuis plusieurs mois dans le viseur de la Commission sur le numérique, la culture et les médias (DCMSC) de la chambre des Communes, et de son président Damian Collins, dans le cadre d'une enquête sur le phénomène des "fakes news".
"Trois milliards" d'informations par jour. Mardi, Damian Collins a demandé à un responsable du réseau social d'expliquer le contenu d'emails internes de Facebook saisis au sein de l'entreprise américaine Six4Three, provenant à l'origine d'une plainte aux États-Unis et obtenus en vertu d'une procédure parlementaire rarement utilisée. Selon le député, l'un de ces emails affirme qu'un ingénieur de Facebook avait averti son entreprise en octobre 2014 que des adresses IP russes accédaient à "trois milliards" d'informations par jour.
"Si les adresses IP russes extrayaient d'énormes quantités de données de la plateforme (...) était-ce signalé ou juste caché sous le tapis ?", a demandé Damien Collins à Richard Allan, un vice-président de Facebook. "Toute information que vous pouvez avoir vue (...) est au mieux partielle, au pire potentiellement trompeuse", a rétorqué ce dernier, ajoutant que les emails évoqués comportaient des informations "partielles" et "non vérifiées".
Un réseau social et plusieurs scandales. Facebook est empêtré cette année dans plusieurs affaires. L'entreprise doit d'abord encaisser les accusations d'ingérence russe sur sa plateforme dans l'élection présidentielle américaine de 2016, mais aussi le scandale de l'exploitation par la firme Cambridge Analytica de données d'utilisateurs à leur insu à des fins politiques, et une faille de sécurité ayant conduit au piratage de millions de comptes. Plus récemment, une enquête publiée par le New York Times a révélé que Facebook avait induit le public en erreur à propos de ce qu'il savait sur l'ingérence russe et a eu recours à une entreprise de relations publiques, Definers, pour discréditer ses concurrents afin de détourner la colère populaire.
Des parlementaires étrangers ont participé à la commission de travail. Devant la commission britannique, Damian Allan a défendu la décision du patron de Facebook Mark Zuckerberg de ne pas témoigner dans la cadre de l'enquête parlementaire, malgré des demandes répétées. Fait inhabituel: des parlementaires venus d'Argentine, du Brésil, de France, d'Irlande, de Lettonie et de Singapour participaient au travail de la commission mardi pour marquer la solidarité internationale sur cette question. "Pendant que nous jouions avec nos téléphones et nos applications, nos institutions démocratiques (...) semblent avoir été bouleversées par le club des milliardaires de Californie", a lancé le parlementaire canadien Charlie Angus au responsable de Facebook.
Audition de Richard Allan pour le compte de Marc Zuckerberg par 9 pays constituant un Comité International @CommonsCMS qui démontre que la question des #FakeNews est suffisamment prise au sérieux pour que l’on s’associe ds une même determination à réguler pic.twitter.com/JUEySr7NRB
— C.Morin-Desailly (@C_MorinDesailly) 27 novembre 2018
Présence d'une sénatrice française. La sénatrice française Catherine Morin-Desailly a elle qualifié de "scandale" l'approche de Facebook en matière de protection de données, et le parlementaire irlandais Eamon Ryan d'"injustice fondamentale" l'accès à des données d'utilisateurs par des tiers.