192 pages pour le climat. Le pape François publie jeudi son encyclique intégralement consacrée à l'environnement. Il lance un appel "à tous" (aux catholiques et aux autres) pour prendre leur responsabilité afin d'éviter de "transformer en une immense décharge publique […] la Terre, notre maison". Avec cette "lettre", François envoie un virulent plaidoyer pour l'écologie et place le thème au centre de son pontificat.
Déjà dans l'histoire. Le pape François a beau n'être à la tête de l'église catholique que depuis deux ans, on peut déjà dire que cette encyclique sera "LE texte majeur de son pontificat", assure Christophe Dickès, historien et auteur de plusieurs livres sur la papauté. Le spécialiste du catholicisme estime que François est un homme de parole avant d'être un homme de mots : "Il écrit très peu et parle beaucoup", décrit-il à Europe 1. Et comme le souverain pontife a déjà annoncé que son règne serait très court, un tel document le marque d'ores et déjà d'une pierre blanche.
La fibre verte. Pour autant, l'heure n'est pas encore au big bang écologiste pour le Vatican. Cette encyclique ne fait que développer la fibre verte de l'Eglise, apparue dès la fin des années 60 et le règne de Paul VI. L'environnement apparaissait régulièrement dans les textes des différents papes, et comme le souligne Christophe Dickès, le dernier colloque de l'Académie pontificale des sciences était allé dans le même sens que l'encyclique de François. D'ailleurs, le nom-même choisi par le pape évoque cette conscience écolo. "François" fait référence à Saint François d'Assise, saint patron des écologistes et personnage proche de la nature. Le pape lui dédit en quelque sorte l'encyclique, en reprenant pour titre - Laudato Si' - une prière du Saint.
Mais comme le rappelle le spécialiste, l'Eglise tient à lier l'écologie à l'humain. François défend qu'une "vraie approche écologique devient toujours une approche sociale". Il met également l'accent sur le droit à l'accès à l'eau potable et le considère comme un droit de l'homme.
Une "petite révolution". Ce qui est plus surprenant, en revanche, c'est la prise de position du chef de l'Eglise sur le changement climatique, estime l'historien. Dans Laudato Si', le titre de l'encyclique, François reconnaît les travaux scientifiques qui prouvent la responsabilité de l'homme sur le réchauffement climatique. "Généralement, le Saint Siège ne prend pas partie dans ce genre de débats", analyse Christophe Dickès qui envisage déjà les conséquences diplomatiques du geste. "On sait maintenant que, dans les instances internationales où le Saint Siège est membre ou observateur, il prendra le parti des pays qui reconnaissent l'origine humaine" du réchauffement climatique. "Est-ce une grande révolution ? Non, mais c'est une petite révolution". Et au Vatican, c'est déjà beaucoup.
Christophe Dickès est historien et journaliste, spécialiste de l'Eglise catholique. Il a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont. Son prochain ouvrage, intitulé Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde, va paraître en septembre prochain chez Tallandier.