Un rebondissement, un de plus, dans l’affaire Carlos Ghosn. L’ex-PDG Renault-Nissan a confirmé sa fuite au Liban. Il était dans l’attente de son procès au Japon en résidence surveillée, accusé de malversations financières. Régis Arnaud, correspondant d'Europe 1 à Tokyo, auteur de La chute : les secrets de Carlos Ghosn avec Yann Rousseau aux éditions Stock qui sortira le 5 février prochain, revient sur le départ de l’homme d’affaires au micro d'Europe 1. "Il semble difficile de croire que les autorités japonaises l’ont laissé partir", affirme-t-il face aux rumeurs de fuite arrangée avec Tokyo. "Selon un quotidien japonais, ils n’ont aucune trace à l’immigration de Carlos Ghosn : il a donc utilisé un faux passeport."
L’avocat japonais de l’ancien PDG s’est exprimé. Il s’est dit "abasourdi" par la nouvelle de cette fuite qu’il "comprend" mais juge "impardonnable". "Il comprend qu’il ait peur face au système japonais, très critiqué par les avocats. Mais c’est impardonnable car il était garant de la venue de l’accusé, il avait même les passeports officiels de Carlos Ghosn", explique Régis Arnaud.
"Un camouflet inouï"
D’après les premiers éléments, l’homme d’affaires se serait enfui à bord d’un jet privé, en passant par la Turquie et la Libye. "Les contrôles semblent assez légers. Il y a une centaine d’aéroports au Japon. J’ai l’impression que si la piste est assez longue et avec le bon avion vous pouvez aller à n’importe quel endroit du monde", confie Régis Arnaud. "Il encore trop tôt pour en parler mais on peut supposer qu’il ait passé un seul contrôle avec un faux passeport et qu’il soit parti, en passant par la Libye pour rejoindre le Liban."
Au Japon, le parquet se dit humilié. "C’est un camouflet inouï au vu des trésors d’énergie dépensés par la justice et Nissan pour l’arrêter", décrypte Régis Arnaud, qui rappelle que le procès était annoncé comme "extraordinairement important". Du côté des habitants, la nouvelle est encore fraîche. "C’est une période de fin des congés de fin d’année, les Japonais sont encore en famille, beaucoup moins à l'affût de l’actualité", explique le correspondant. "C’est une nouvelle qui a abasourdi le pays. Les médias sont encore un peu en mal de grain avec lequel moudre des commentaires."
Des révélations à venir
Désormais protégé au Liban, pays qui ne pratique pas l’extradition, "tout comme la France", rappelle le journaliste, Carlos Ghosn assure qu’il s’exprimera enfin dans les médias prochainement. "Depuis son arrestation il dit et répète qu’il va organiser une grande conférence de presse dans laquelle il va tout révéler et démasquer les comploteurs", analyse l’auteur. "Il ne s’est jamais vraiment longuement exprimé sur ce qu’on lui reproche pénalement et civilement."
Des révélations seraient donc à venir sur l’alliance industriel et son arrestation en novembre 2018. "C’est quelqu’un qui a toujours été très secret, difficile à cerner. On dit qu’il préparait d’arrache-pied son procès depuis des mois, mais il était extraordinairement limité dans son champ d’action", rappelle Régis Arnaud. "Il se disait combatif et déterminé mais il avait tellement peu d’outil, il ne pouvait pas vraiment s’exprimer."
Le journaliste, qui a étudié la personnalité de Carlos Ghosn pour l’écriture de son ouvrage, décrit un homme "convaincu de son bon droit, qui n’a jamais reconnu ni un malentendu, ni avoir été trompé, ni une mauvaise décision". "Il pense que c’est un complot, du début à la fin et se dit innocent de toutes les charges." Régis Arnaud souligne non pas un esprit de revanche mais une volonté de laver son honneur. "On va voir jusqu’où il s’exprime et comment il s’exprime", conclut-il.