Ali Bongo joue les pères de la nation... Lundi, le président du Gabon a annoncé vouloir léguer toute la part de son héritage à la jeunesse de son pays. Une déclaration floue qui pose question car le président gabonais, qui dispose d'un patrimoine colossal en partie hérité de son père, est toujours visé par l'affaire des biens mal acquis.
La déclaration. "J'ai décidé avec le plein accord de mon épouse Sylvia Bongo Ondimba et de mes enfants que ma part d'héritage sera partagée avec toute la jeunesse gabonaise car à mes yeux nous sommes tous les héritiers d'Omar Bongo Ondimba", a déclaré lundi le président gabonais Ali Bongo Ondimba dans un discours prononcé à l'occasion du 55e anniversaire de l'Indépendance. "Tous les revenus tirés de ma part d'héritage qui me revient seront versés à une fondation pour la jeunesse et l'éducation", a-t-il poursuivi.
Un patrimoine colossal. Ali Bongo a annoncé "au nom des enfants" d'Omar Bongo qu'une propriété familiale située à Libreville, près du camp de Gaulle serait cédée à l'Etat et dévolue à l'implantation d'une université.
Il a également annoncé que les enfants Bongo "allaient céder à l'Etat pour le franc symbolique deux propriétés en France ayant appartenu à Omar Bongo Ondimba. Il s'agit de deux hôtels particuliers, situés rue de la Baume dans le VIIIe arrondissement pour l'un, et rue Edmond Valentin dans le VIIe arrondissement de Paris, pour l'autre." Pour prendre le seul exemple de l'immeuble de la rue de Baume, le lieu fait 2.000 mètres carrés habitables, 500 mètres carrés de jardin pour une valeur estimée à 19 millions d'euros. "Ces biens immobiliers, qui feront désormais partie du patrimoine de l'Etat gabonais seront affectés à un usage diplomatique et culturel", a précisé le président.
"Scepticisme". La succession d'Omar Bongo, décédé en 2009, et qui compte 53 héritiers déclarés, n'est pas encore réglée. Les contours de l'héritage sont encore mal cernés, mais les actifs identifiés se monteraient déjà à plusieurs centaines de millions d'euros. Dans le cadre de l'enquête sur les "biens mal acquis", deux juges parisiens enquêtent sur les conditions dans lesquelles un très important patrimoine immobilier et mobilier a été acquis en France par l'ex-président Omar Bongo, le président congolais Denis Sassou Nguesso et le président de Guinée équatoriale Teodoro Obiang et certains de leurs proches.
Interrogé par Europe1, William Bourdon, l'avocat des ONG Sherpa et Transparency International qui ont porté plainte dans l'affaire des biens mal acquis estime que les annonces d'Ali Bongo doivent être accueillies avec prudence. "Ces déclarations résonnent comme une porte qui s'entrebâille mais qui implique une course d'obstacles très lourde et très complexe. Il ne s'agit pas de quelques breloques. : il y a des avoirs qui peuvent appartenir à tel ou tel membre de la famille Bongo. Il y a une opacité gigantesque qui pose toutes une série de questions et qui justifie d'être très sceptique", estime-t-il.
Un scepticisme d'autant plus justifié par le moment choisi par Ali Bongo pour faire son annonce : il est en ce moment en pleine campagne pour sa réélection...