Dilma Rousseff, dont le mandat de présidente a été suspendu temporairement jeudi, a appelé jeudi les Brésiliens à "se mobiliser" contre le "coup d'Etat" dont elle se dit victime, dans sa première déclaration après le vote historique du Sénat.
La destitution ne "résoudra pas les problèmes que vit le Brésil". "Je pense qu’il s’agit en effet d’un coup politique contre la présidente", estime Gaspard Estrada sur Europe 1. Selon le politologue et directeur exécutif de l’Observatoire Politique de l'Amérique latine et des Caraïbes (OPALC) à Sciences-Po, la destitution de Dilma Rousseff ne réglera pas les multiples difficultés auxquelles se heurtent les Brésiliens. "Cette séquence politique et médiatique des deux derniers mois a mis en évidence un certain nombre de problèmes au Brésil, notamment la relation de promiscuité entre l’argent et la politique. Malgré cette mise en évidence, les défis que vit le Brésil ne seront pas résolus en soi par la destitution de la présidente, car celle-ci n’est pas accusée directement de corruption, contrairement à son vice-président qui lui est cité dans l’affaire Petrobras", souligne-t-il.
"Pas sûr que les Brésiliens se mobiliseront contre cette destitution". Aux Brésiliens qui s'opposent au coup d'Etat, qu'ils soient de n'importe quel parti, je lance un appel : maintenez-vous mobilisés, unis et dans la paix", a par ailleurs déclaré Dilma Rousseff devant ses ministres et parlementaires proches. "Je pense qu’aujourd’hui, ce sont surtout les militants du Parti des travailleurs et les mouvements sociaux proches de ce parti et de l’ancien président Lula qui se mobiliseront dans les rues", analyse Gaspard Estrada. "Je ne suis pas encore sûr que les Brésiliens de manière générale se mobiliseront contre cette destitution. En revanche, il me semble que la situation économique du Brésil continue de se dégrader, que le chômage continue d’augmenter, et si ce nouveau gouvernement Temer ne donne pas des réponses sur le plan de l’économie, les Brésiliens exprimeront à nouveau leur mécontentement", continue le politologue.
La polarisation politique et sociale va se poursuivre".Le vice-président Michel Temer, qui a pris possession des fonctions présidentielles, a nommé jeudi un nouveau gouvernement. L'ex-président de la Banque centrale Henrique Mereilles a notamment été désigné ministre de l'Economie. Michel Temer, ancien allié de Dilma Rousseff âgé de 75 ans, devrait mener une politique à l'inverse de celle portée par la gauche pendant seize ans. "Tout l’enjeu de ce gouvernement Temer sera de retrouver le chemin de la croissance, de l’augmentation des créations d’emploi et les signaux qui ont été envoyés par ses émissaires dans les médias visent plutôt à mettre en œuvre des réformes qui seront impopulaires, qui visent à réduire les programmes sociaux mis en place par l’ancien président Lula et qui ont été poursuivis par Dilma Rousseff. Je pense que de ce point de vue là, la polarisation politique et sociale qui existe au Brésil depuis 2014 va se poursuivre", jauge encore Gaspard Estrada.
Un consensus pendant les JO ? Ce climat peut-il avoir des conséquences sur les Jeux olympiques, qui se dérouleront à Rio du 5 au 21 août ? "Dans l’immédiat, je ne le pense pas", affirme-t-il. "A l’inverse, un consensus national autour des Jeux olympiques peut émerger. Les JO, lorsque le Brésil a obtenu leur organisation en 2009, visaient à positionner le Brésil comme un géant sur le plan international. Aujourd'hui, on voit bien que le contexte est très différent. Cependant, j’estime à regret que ce consensus ne sera que de courte durée."