Grèce : qui pourrait rivaliser avec Tsipras ?

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CRISE GRECQUE - Alexis Tsipras a annoncé jeudi sa démission, ouvrant la voie à des élections législatives anticipées. Mais c’est n’est pas forcément la fin de son règne, tant le Premier ministre fait figure de favori.

Au pouvoir depuis janvier seulement, Alexis Tsipras a décidé de prendre le risque d’un retour aux urnes. Des élections pour le moins anticipées mais indispensables, Syriza ayant perdu la majorité au parlement après la défection d’une partie de ses troupes. Sans surprise, le Premier ministre est candidat à sa propre succession et a de bonnes chances de l’emporter en septembre : en face, les candidats crédibles sont rares.

Une opposition sans programme. Le parti de droite Nouvelle Démocratie fait figure de favori pour rivaliser avec Syriza, mais tout cela est relatif : aux dernières élections législatives, il est certes arrivé en deuxième position mais n’a obtenu que moitié moins de sièges que le parti d’Alexis Tsipras. La faute à un vote sanction des Grecs, qui ont largement boudé les deux partis se partageant le pouvoir depuis le retour de la démocratie : la Nouvelle Démocratie et le Pasok (socialiste), discrédités par des décennies de mauvaise gestion et de clientélisme qui ont conduit le pays dans le mur.

Le chef de file de la droite Vangelis Meimarakis aura donc le plus grand mal à lutter contre Alexis Tsipras, d’autant plus que son programme est très limité : appliquer la feuille de route négociée avec les créanciers. C’est-à-dire la même chose que Syriza, la combattivité en moins et avec le risque de rendre le pouvoir aux grandes familles qui dirigent le pays depuis des décennies. Le rival le plus sérieux n’est donc pas en position de force, et ce même s’il obtient l’appui des autres partis de la droite et du centre.

21.08.Fofi.Gennimata.Yiannis Liakos  IN TIME NEWS  AFP.1280.900

 Un parti socialiste décimé. Si le grand parti de droite a une petite chance de revenir aux affaires, celle du mouvement socialiste panhéllenique est quasiment nulle. Le Pasok ne cesse en effet de reculer, scrutin après scrutin : 160 députés en 2009, puis 41 en mai 2012, 33 en juin 2012 et 13 en janvier 2015 (cf infographie). La faute à la concurrence frontale de Syriza, qui a pris sa place à gauche dans l’échiquier politique et à l’image laissée par Georges Papandréou : c’est lui qui était aux manettes lorsque la Grèce a sombré et il n’a pas laissé un grand souvenir dans sa gestion de la crise. D’abord en faisant mine de découvrir l’état des finances du pays alors que son parti (et son père) a dirigé le pays pendant une bonne partie des années 1980 et 1990. Ensuite en annonçant la tenue d’un référendum qu’il annule dans la foulée, rompant la confiance à la fois avec les Grecs et les créanciers du pays. Même avec une direction renouvelée, en la personne de Fofi Gennimata (ci-contre), le Pasok risque donc de faire de la figuration.

A gauche de Syriza : Unité populaire, le nouveau venu. Déçue des compromis acceptés par Alexis Tsipras, une partie de l’aile gauche du parti Syriza a décidé de faire sécession. 25 députés dissidents ont donc annoncé dès vendredi la formation d'un nouveau groupe parlementaire, baptisé Unité populaire. Et une quinzaine pourraient les rejoindre puisque le troisième plan d’aide a été refusé par une quarantaine de députés Syriza. Mais si leur programme est clair, lutter contre toute nouvelle mesure d’austérité, ces derniers n’ont pas de chef de file encore identifié. Et l’une des figures les plus médiatiques de la gauche radicale grecque, l’ancien ministre Yanis Varoufakis, a déclaré ne pas vouloir y adhérer. S’ils constituent la menace la plus sérieuse à gauche pour Syriza, ses chances de conquérir le pouvoir sont très minces.

21.08.Aube.Dorée.Grece.ARIS MESSINIS  AFP.1280.640

 A l'extrême-droite, l'inconnu. Très visible en 2012, le parti d’extrême-droite Aude Dorée a depuis disparu des radars. S’il a réussi à obtenir 17 sièges dans l’Assemblée sortante, on ignore son poids actuel. Il faut dire qu’une bonne partie de ses dirigeants ont été incarcérés après le meurtre d’un militant antifasciste en septembre 2013 : les enquêteurs soupçonnent le parti d’abriter une cellule clandestine responsable de plusieurs meurtres politiques ou racistes. Plus qu’avec les électeurs, c’est avec la justice qu’Aube Dorée a rendez-vous. Sans oublier la piètre image laissée par l'un de ses cadres lorsqu’il leva la main sur deux femmes politiques lors d’un débat télévisé.

Tsipras favori pour se succéder à lui-même. Dans ce contexte, il y a de fortes chances qu’Alexis Tsipras conserve le pouvoir. Son parti, malgré la défection d’une partie de son aile gauche, reste sur une dynamique très favorable et a pratiquement phagocyté le parti socialiste local, comme le montre l’infographie ci-dessous. De plus, le Premier ministre conserve une bonne cote de popularité, les Grecs estimant qu’il fait ce qu’il peut et tient un langage de vérité. Même s’il avait été élu en janvier pour mettre fin à l’austérité et qu’il n’a pu la respecter pour éviter une faillite du pays, les Grecs lui reconnaissent une combativité certaine et le placent donc en tête des sondages : le dernier en date, publié le 24 juillet, plaçait Syriza en tête avec 36,3% des intentions de vote. De quoi rester le premier parti du pays mais pas assez pour gouverner seul.

... A moins qu’il n’y ait pas d’élection du tout. Dernière possibilité, et pas des moindres : qu’il n’y ait pas du tout d’élection. En effet, la Constitution grecque prévoit que la démission du Premier ministre entraîne automatiquement la procédure des "mandats exploratoires": les trois premiers partis du Parlement, sur la base du nombre de députés, sont appelés l'un après l'autre à tenter de former un gouvernement de coalition dans un délai de trois jours. Ce n’est que s’ils échouent à constituer une majorité que de nouvelles élections sont organisées.

Arrivé deuxième en janvier, le parti conservateur va donc tenter de former une coalition. Des élections anticipées n’auraient "aucune utilité", a argumenté son chef de file  Vangelis Meimarakis, affirmant vouloir "éviter tous les effets négatifs que cette élections pourraient créer pendant une très longue période". Il n’est pas sûr que l’argument porte dans un pays déjà déstabilisé depuis fin 2009. Le retour aux urnes est donc plus que probable.