A quoi joue donc Vladimir Poutine ? Le président russe a annoncé lundi qu'il avait ordonné le retrait, à partir de mardi, du gros des forces russes actuellement en Syrie. L'armée russe va néanmoins maintenir ses systèmes de défense antiaérienne "les plus modernes". "Poutine, c'est le coup de théâtre permanent", a analysé Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique, mardi sur Europe Midi. "Il arrive par surprise et repart par surprise."
Un message à Obama. Pour le spécialiste en géopolitique, cette décision du président russe n'est pas motivée par le coût trop élevé des opérations militaires. "L'effort militaire russe en Syrie représente à peu près 1 milliard de dollars par an [900 millions d'euros], c'est tout à fait supportable", rappelle Bruno Tertrais. Lui y voit plutôt un message envoyé au président américain, Barack Obama, qui avait prédit l'enlisement de la Russie dans ce conflit.
"Poutine coupe l'herbe sous le pied des Américains, il lui répond qu'il peut se retirer quand il le veut."
Pression sur Bachar al-Assad. Peut-être est-ce aussi, selon Bruno Tertrais, une façon de "faire un peu pression sur Bachar al-Assad pour [le forcer] à trouver une solution". Alors que des négociations de paix ont débuté à Genève lundi, le chef de l'Etat syrien se retrouve isolé sans son allié russe. Dans ce cas-là, la décision de Vladimir Poutine "peut peut-être accélérer une solution négociée". Mais le maître de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique n'y croit guère. D'abord, parce que Bachar al-Assad n'est pas du genre à abandonner. "Damas a décidé de se battre jusqu'au dernier Syrien", a t-il rappelé. Surtout, la Syrie peut compter sur son autre soutien, l'Iran, "qui va gagner en importance".
La raison officielle ne tient pas. Officiellement, Vladimir Poutine a expliqué le retrait de ses troupes par le fait que la Russie avait atteint ses objectifs en Syrie. Un prétexte, selon Bruno Tertrais. "C'est vrai qu'il a rempli l'un de ses objectifs, qui était de donner un peu d'air au régime de Bachar al-Assad. Mais l'objectif déclaré de Poutine, c'était de réduire l'Etat islamique. Or, ce qu'on constate, c'est que dans les cinq derniers mois, [les frappes russes] étaient à 90% sur des objectifs autres que l'Etat islamique." Difficile, donc, de croire à la version officielle du président russe.