La demande de l'Ukraine d'obtenir le statut de candidat à l'Union européenne aura bientôt une réponse, a promis samedi la présidente de la Commission européenne en visite à Kiev, alors que les forces russes s'acharnent sur l'est du pays. "Les discussions d'aujourd'hui vont nous permettre de finaliser notre évaluation d'ici la fin de la semaine prochaine", a déclaré Ursula von der Leyen, après un entretien avec le président Volodymyr Zelensky.
Les principales informations :
- La présidente de la Commission européenne s'engage à donner une réponse à l'Ukraine concernant sa demande d'intégration à l'UE
- Les combats dans l'est s'intensifient
- Des villes entières sont privées d'électricité
- A Severodonetsk, la défense ukrainienne est retranchée sur le site d'une usine chimique Azot
- La France s'est dite prête à aider pour lever le blocus du port d'Odessa
L'armée russe pilonne la périphérie de Kharkiv
L'Ukraine réclame un "engagement juridique" lui permettant d'obtenir au plus vite un statut de candidat officiel à l'Union européenne, mais les Vingt-Sept sont très divisés sur la question. "Nous voulons soutenir l'Ukraine dans son parcours européen", a assuré Mme von der Leyen. "Nous voulons regarder vers l'avenir. Vous avez fait beaucoup, mais il y a encore beaucoup à faire, pour lutter contre la corruption par exemple".
Pour l'Ukraine, le statut de candidat serait "un point de départ", avec à la clé un long processus de négociations et de réformes, a reconnu M. Zelensky. Il n'empêche, a-t-il dit dans un message vidéo samedi soir, "nous allons travailler de façon encore plus puissante à tous les niveaux pour obtenir la bonne décision. Elle est très importante pour nous".
Sur le terrain, les combats dans l'est de l'Ukraine s'intensifient, tandis que l'armée russe pilonne toujours la périphérie de Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine. La zone autour de Tchortkiv, dans l'ouest de l'Ukraine, a aussi été bombardée dans la soirée, a indiqué le gouverneur régional Volodymyr Trouch.
Signe de la détermination de Moscou à mettre la main sur ce que le Kremlin considère comme des terres russes, les premiers passeports russes ont été remis à 23 habitants de Kherson, grande ville du sud de l'Ukraine occupée et gérée administrativement par des autorités prorusses, selon l'agence officielle russe TASS.
Un hôpital est également en construction par l'armée russe à Lougansk (est). "La Russie possède toujours un potentiel suffisant pour mener une longue guerre contre notre pays", a indiqué le département des renseignements militaires (GUR) au sein du ministère de la défense ukrainien.
Des villes "privées d'électricité"
M. Zelensky a accusé vendredi la Russie de vouloir "dévaster chaque ville du Donbass, chacune, sans exagération". La bataille pour la ville-clé de Severodonetsk et sa jumelle Lyssytchansk apparaît de plus en plus violente.
"Afin de décourager nos troupes, l'ennemi pilonne nos positions et essaie de remporter le combat des tirs d'artillerie", a indiqué dans la nuit de samedi à dimanche le commandement opérationnel ukrainien de la région sud. Il a précisé que l'armée de l'air ukrainienne avait détruit au cours des dernières 24h des dépôts de munitions et des équipements lors de trois frappes aériennes, sans indiquer de localisation.
"Des combats de rue acharnés se poursuivent à Severodonetsk", a indiqué le président Zelensky samedi soir, tout en signalant la reprise par les forces ukrainiennes de localités comme Tavriïské dans la région de Kherson, et dans celle de Zaporijjia. Prendre Severodonetsk ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville, Kramatorsk, une étape pour conquérir l'intégralité du bassin du Donbass, région essentiellement russophone en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.
Selon un membre de l'administration militaire de Donetsk, "toutes les grandes villes du territoire libre" de cette région "sont privées d'électricité" depuis samedi en début de soirée. Il cite Kramatorsk, Slavyansk, Konstantinovka, Druzhkivka et Bakhmut.
A la télévision, le gouverneur de la région de Lougansk Serguiï Gaïdaï a décrit une sitution "difficile" à Popasna, à Severodonetsk et près de la rivière de Siversky Donets, dont le niveau a tellement baissé qu'il redoute de nouvelles tentatives russes de franchissement pour aller établir une nouvelle tête de pont près de Bilogorivka. "A Tochkivka, de très puissants combats sont en cours", a-t-il également indiqué.
La population civile sous pression
A Severodonetsk, la défense ukrainienne est retranchée sur le site d'une usine chimique Azot. "Des combats permanents se poursuivent", a précisé M. Gaïdaï. "L'enceinte de l'usine Azot est bombardée de façon puissante pendant des heures, à l'aide d'armes de gros calibre", a-t-il détaillé, évoquant "des combats de rue avec des armes à feu" mais aussi la destruction "étage par étage" par l'artillerie russe d'immeubles utilisés comme abris par les forces ukrainiennes.
"Severodonetsk n'est pas libérée à 100% (...) En tout état de cause (...), Severodonetsk (...) Lyssytchansk sera à nous", a déclaré Leonid Passetchnik, dirigeant de la région séparatiste de Lougansk. A Lyssytchansk, les habitants ont le choix entre fuir et perdre leur foyer, ou rester exposés aux bombardements.
Yevhen Jyryada, 39 ans, dit que le seul accès à l'eau potable se fait par un centre de distribution en ville. "Nous devons aller là-bas sous les bombardements et sous les tirs", raconte-t-il, "c'est ainsi que nous survivons". Depuis plusieurs jours, les combats sont également intenses dans la région de Mykolaïv, voisine de la ville portuaire d'Odessa (sud). L'avancée russe a cependant été stoppée aux abords de la ville.
Le commandement opérationnel a précisé que les forces russes avaient tiré des missiles sur les faubourgs de cette ville, un "feu continu qui met sous pression psychologique la population civile". La semaine dernière, "trois obus sont tombés sur les immeubles résidentiels et mon appartement a tremblé", décrit Igor Karputov, 31 ans.
"J'ai aidé un monsieur qui saignait avant que l'ambulance arrive, puis je suis arrivé là où un autre impact avait eu lieu et là, les secours prenaient déjà en charge quelqu'un. Mais cette personne était morte. Celle que j'avais aidée est décédée dans l'ambulance", raconte-t-il.
Blocus du port d'Odessa
Les Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux de nouvelles armes plus puissantes, et des munitions. La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, notamment des Himars d'une portée d'environ 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et Londres.
La France s'est dite prête à aider pour lever le blocus du port d'Odessa, afin de faire sortir d'Ukraine les céréales dont le blocage provoque une crise alimentaire mondiale. L'annonce a été faite par un conseiller du président français Emmanuel Macron, qui a reçu vendredi le président sénégalais Macky Sall, également président de l'Union africaine.
M. Sall avait appelé jeudi au déminage du port d'Odessa et indiqué avoir reçu des assurances du président Vladimir Poutine que les Russes n'en profiteraient pas pour attaquer, comme le redoutent les Ukrainiens. Selon le commandement opérationnel, les Russes ont étoffé leur flotte dans la mer Noire en mobilisant "deux grands navires de débarquement".
L'invasion russe lancée le 24 février a paralysé les exportations de céréales de l'Ukraine --acteur majeur de ce secteur-- et provoqué une flambée des prix des céréales et des engrais, menaçant de crise alimentaire de nombreux pays, surtout africains et moyen-orientaux.
S'adressant par vidéo au Shangri-La Dialogue, forum sur la sécurité en Asie-Pacifique, M. Zelensky a appelé une nouvelle fois la communauté internationale à faire pression pour obtenir que la Russie mette fin au blocus des ports ukrainiens de la mer Noire, faute de quoi, a-t-il dit, "la pénurie de produits alimentaires mènera inexorablement au chaos politique, ce qui risque de provoquer le renversement de nombreux gouvernements".
Frappe russe sur l'ouest de l'Ukraine: au moins 22 blessés
Une frappe russe sur la ville de Tchortkiv, dans l'ouest de l'Ukraine largement épargné par les violences, a fait samedi soir au moins 22 blessés, dont des civils, selon un premier bilan communiqué dimanche par le gouverneur régional, Volodymyr Trouch. "Hier, à 19h46, Tchortkiv a été touchée par quatre missiles, tous tirés depuis la mer Noire", a affirmé M. Trouch lors d'une conférence de presse diffusée sur Facebook, précisant qu'"il y avait 22 blessés, tous hospitalisés".
Parmi les victimes, "il y a sept femmes et un enfant de 12 ans", a poursuivi le gouverneur. Selon M. Trouch, également chef de l'administration de la région de Ternopil, dont dépend Tchortkiv, "une installation militaire a été partiellement détruite" dans la frappe, "et des habitations résidentielles ont été endommagées".
Tchortkiv, qui comptait un peu moins de 30.000 habitants avant l'invasion russe, se situe à 140 km au nord de la frontière avec la Roumanie et à 200 km au sud-est de Lviv, grande ville de l'Ouest de l'Ukraine.