Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir au 331e jour de l'invasion russe

De nouvelles livraisons de canons Caesar doivent avoir lieu dans les prochaines semaines.
De nouvelles livraisons de canons Caesar doivent avoir lieu dans les prochaines semaines. © Arthur Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Europe 1 avec AFP , modifié à
Au 331e jour du conflit en Ukraine, Les Etats-Unis et trois Etats européens ont promis jeudi de nouvelles livraisons substantielles de blindés, de missiles et d'artillerie à Kiev, à la veille d'une réunion cruciale des principaux pays aidant militairement l'Ukraine à se défendre face à l'invasion russe.
L'ESSENTIEL

Les Etats-Unis et trois Etats européens ont promis jeudi de nouvelles livraisons substantielles de blindés, de missiles et d'artillerie à Kiev, à la veille d'une réunion cruciale des principaux pays aidant militairement l'Ukraine à se défendre face à l'invasion russe.

Avec pour objectif affiché de coordonner la poursuite de cette assistance, seront notamment présents vendredi sur la base aérienne de Ramstein, en Allemagne, les ministres de la Défense des principales nations occidentales la fournissant, au premier rang desquels l'Américain Lloyd Austin. "Nous nous préparons à Ramstein demain. Nous attendons des décisions fortes. Nous attendons un soutien militaire puissant de la part des Etats-Unis", a déclaré Volodymyr Zelensky dans son discours du soir.

Avant même cette rencontre du "groupe de contact", les Etats-Unis ont annoncé jeudi une nouvelle tranche d'aide militaire à l'Ukraine de 2,5 milliards de dollars. Cette aide supplémentaire prévoit l'envoi de 59 blindés Bradley, qui s'ajouteront aux 50 véhicules blindés légers de ce type promis le 6 janvier, et 90 blindés de transport de troupes Stryker "qui doteront l'Ukraine de deux brigades blindées", selon le Pentagone.

L'armée américaine va également livrer à l'Ukraine 53 véhicules blindés antimines (MRAP) et 350 véhicules de transport M998, le fameux Humvee. Mais cette nouvelle tranche ne comprend aucun char lourd, comme les Abrams, que les Etats-Unis ne sont pas encore prêts à fournir à Kiev, justifiant ce refus par des questions de maintenance et de formation. Cette nouvelle tranche porte à 26,7 milliards de dollars l'aide militaire totale des Etats-Unis à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février.

Les informations à retenir :

  • Les Etats-Unis et trois pays européens annoncent livrer de nouvelles armes à l'Ukraine
  • La Pologne appelle ses alliés à livrer des chars à Kiev
  • Les forces russes redoublent d'efforts pour progresser sur le front
  • Le premier convoi d'aide humanitaire de l'ONU près de Soledar est arrivé
  • Le Kremlin reste muet concernant l'installation présumée de systèmes antiaériens à Moscou

Les Etats-Unis tablent sur une contre-offensive ukrainienne au printemps

Les Etats-Unis s'attendent à une contre-offensive de l'Ukraine au printemps, a déclaré ce vendredi le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin, soulignant qu'il s'agissait pour les alliés d'aider Kiev à s'y préparer.

"Nous avons ici une fenêtre d'opportunité entre maintenant et le printemps… dès qu'ils commencent leur opération, leur contre-offensive", a-t-il déclaré aux journalistes lors d'une réunion des alliés de l'Ukraine en Allemagne. "Ce n'est pas une longue période et nous devons réunir les bonnes capacités", a-t-il ajouté.

Il sera "très difficile d'expulser" l'armée russe cette année

Il sera "très difficile" de déloger d'ici la fin de l'année l'armée russe du territoire ukrainien, a affirmé vendredi le chef d'état-major américain, lors d'une conférence de presse sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne.

"D'un point de vue militaire, je maintiens encore qu'il sera très très difficile d'expulser les forces russes de toutes les zones d'Ukraine occupées", a déclaré le général Mark Milley, chef d'état-major américain, lors d'une réunion des alliés sur le soutien militaire à Kiev.

Le Kremlin muet sur l'installation présumée de systèmes antiaériens à Moscou

Le Kremlin a refusé de dire vendredi si la Russie se préparait à des frappes sur Moscou après la diffusion sur les réseaux sociaux d'images montrant l'installation de systèmes de défense antiaérienne dans la capitale russe. Les images semblaient montrer des systèmes Pantsir S-1 destinés à intercepter notamment les missiles de croisière et balistiques. Les Moscovites en ont vu un apparaître près d'un bâtiment du ministère de la Défense ou encore un autre hissé sur le toit d'un immeuble dans le centre de Moscou. Un autre Pantsir a été installé à une dizaine de kilomètres de la résidence du président Vladimir Poutine à Novo-Ogariovo près de Moscou, selon des médias russes.

À la question de savoir si la Russie craignait que Moscou ne soit une cible, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a refusé de répondre vendredi, renvoyant la question au ministère de la Défense. "Ils sont chargés d'assurer la sécurité du pays en général et de la capitale en particulier, il est donc préférable d'interroger le ministère de la Défense sur toutes les mesures qui sont prises", a déclaré M. Peskov aux journalistes. Contacté par l'AFP, le ministère de la Défense n'a pas donné suite.

La Russie a connu ces derniers mois plusieurs attaques imputées à l'Ukraine, qu'il s'agisse de sabotage ou de frappes aux drones et de tirs d'artillerie sur des régions frontalières. En décembre Moscou avait accusé l'Ukraine de plusieurs frappes de drones sur une base de bombardiers stratégiques à Engels, dans la région de Saratov, soit à 600 km de la frontière ukrainienne. Kiev exige des Occidentaux la livraison d'armes de longue portée pour frapper en profondeur les lignes logistiques russes. Ces derniers redoutent toutefois que de telles armes ne mènent à une escalade du conflit lancé en 2022.

Varsovie "convaincue" de la création d'une coalition pour livrer des chars Leopard à Kiev

Le ministre polonais de la Défense s'est déclaré ce vendredi "convaincu" que les alliés réunis à Ramstein, en Allemagne, réussiront à créer une coalition pour livrer des chars Leopard à l'Ukraine.

"Je suis convaincu que la formation de cette coalition finira par être un succès", a déclaré Mariusz Blaszczak à l'issue de la réunion des soutiens de l'Ukraine sur la base aérienne américaine de Ramstein, dans le sud-ouest de l'Allemagne.

"Forte hausse de l'intensité" des combats dans le sud

Les autorités d'occupation russe ont dit noter ce vendredi une "forte hausse de l'intensité" des combats dans la région de Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine, où des affrontements ont lieu "sur toute la ligne de front".

"Dans la direction de Zaporijjia, l'intensité des hostilités a fortement augmenté", a déclaré sur Telegram un dirigeant de l'autorité régionale d'occupation de Zaporijjia, installée par Moscou, Vladimir Rogov. "Si nous regardons toute la ligne de front, alors les combats se déroulent partout en ce moment", a-t-il précisé à l'agence de presse russe Ria Novosti.

Arrivée d'un premier convoi d'aide humanitaire de l'ONU près de Soledar

L'ONU a annoncé que son premier convoi d'aide humanitaire était arrivé ce vendredi dans les environs de Soledar, dans l'est de l'Ukraine, une des localités les plus disputées depuis l'invasion de la Russie. "Il s'agit du premier convoi humanitaire inter-agences à atteindre cette zone", déclaré Jens Laerke, le porte-parole de Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), lors d'un point de presse de l'ONU à Genève. Le convoi est composé de trois camions, qui transportent de l'eau, de la nourriture et des produits de première nécessité ainsi que des médicaments pour environ 800 personnes. Il est en cours de déchargement, a précisé le porte-parole.

Le convoi d'aide se trouve dans la zone contrôlée par le gouvernement ukrainien. "Les récents combats dans et autour de Soledar ont causé des destructions massives, laissant les gens là-bas dans un besoin urgent d'aide humanitaire", a souligné Jens Laerke, précisant que l'ONU tentait de mettre sur pied d'autres convois d'aide. "Nos collègues du convoi auront vu par eux-mêmes dans quel état se trouvent les gens et la situation actuelle. C'est une région qui a connu sa juste part de combats, donc bien sûr l'aide humanitaire est nécessaire aujourd'hui et peut-être dans un avenir prévisible", a ajouté le porte-parole.

La semaine dernière, l'armée russe et les mercenaires du groupe Wagner ont annoncé avoir conquis Soledar, une modeste ville de l'est de l'Ukraine, située près de celle de Bakhmout dont les Russes essaient de s'emparer depuis des mois. Les Ukrainiens contestent toujours la prise de la ville par les Russes. Dans son bulletin matinal, l'armée ukrainienne a dit que ses forces "avaient repoussé" dans les dernières 24 heures "des attaques" russes dans une dizaine de localités de la région de Donetsk, dont Soledar.

"Soledar a été visé par le feu ennemi", a aussi indiqué l'armée. Aujourd'hui largement détruite, cette localité à l'économie minière comptait quelque 10.000 habitants avant la guerre.

"Il faut des chars" pour l'Ukraine, estime la Pologne

Le Royaume-Uni s'est engagé quant à lui à envoyer à l'Ukraine 600 missiles supplémentaires Brimstone, le Danemark ses 19 canons Caesar de fabrication française, et la Suède des canons automoteurs Archer. Des systèmes qui ont tous une portée de plusieurs dizaines de kilomètres mais inférieure à celle réclamée par les Ukrainiens.

Londres avait déjà promis 14 chars lourds Challenger 2 à Kiev, et la Pologne se dit prête à lui livrer 14 chars Leopard 2 de fabrication allemande, un total encore loin des centaines de ces véhicules dont l'Ukraine dit avoir besoin. "Il faut des chars allemands, des chars finlandais, des chars danois, des chars français, cela veut dire que l'Europe occidentale elle-même doit maintenant allouer des chars plus modernes à l'Ukraine, afin qu'elle puisse simplement se défendre", a quant à lui plaidé jeudi le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.

"Nous lançons un appel à tous les Etats partenaires qui ont déjà fourni ou envisagent de fournir une aide militaire, les exhortant à considérablement renforcer leur contribution", ont pour leur part écrit dans un communiqué les ministres ukrainiens de la Défense et des Affaires étrangères, Oleksiï Reznikov et Dmytro Kouleba.

Ils ont en particulier montré du doigt douze pays, comme l'Allemagne et la Turquie, leur demandant des chars de fabrication allemande Leopard dont l'envoi est incertain du fait des tergiversations en Allemagne. Cet appel a été soutenu par le président du Conseil européen Charles Michel, pour lequel "des chars doivent être livrés" aux Ukrainiens car "les prochaines semaines pourraient être décisives" sur le front.

"Nous entendons votre message" assure Charles Michel

"Nous entendons votre message. Vous avez besoin de plus de systèmes de défense antiaérienne et d'artillerie, de plus de munitions", a souligné Charles Michel sur Twitter, après une rencontre à Kiev avec le président Volodymyr Zelensky. S'exprimant par visio-conférence en marge du Forum économique de Davos en Suisse, Volodymyr Zelensky a de son côté brocardé, dans une allusion claire aux Allemands, ceux qui disent "'je livrerai des chars si quelqu'un d'autre le fait'".

L'Allemagne fait aussi l'objet d'une pression croissante de la part de plusieurs de ses voisins européens pour qu'elle autorise des livraisons de Leopard. "Contre des milliers de chars de la Russie (...), le courage de notre armée et la motivation du peuple ukrainien ne suffisent pas", a martelé M. Zelensky. Peu après, l'un de ses conseillers, Mykhaïlo Podoliak, a appelé les Occidentaux à cesser de "trembler devant Poutine" et à livrer les blindés dont l'Ukraine dit avoir besoin.

Les chars occidentaux ne sont cependant "pas une solution miracle" contre la Russie, a mis en garde jeudi le commandant des forces alliées en Europe (SACEUR), le général américain Christopher Cavoli, selon lequel "un équilibre entre tous les systèmes (d'armement) est nécessaire". Les autorités ukrainiennes disent à cet égard également avoir besoin de systèmes de missiles d'une portée de plus de 100 km pour pouvoir frapper la chaîne logistique russe, en particulier les dépôts de munitions.

Mais les Occidentaux craignent, malgré les assurances ukrainiennes, que Kiev ne provoque une escalade en usant de ces armes pour frapper en profondeur le territoire russe et les bases aériennes et navales de Crimée, une péninsule annexée en 2014 par la Russie.

Les forces Russes redoublent d'efforts sur le front

Le Kremlin a d'ailleurs adressé jeudi un avertissement clair: la livraison d'armes de plus longue portée "signifierait que le conflit atteindrait un nouveau palier". Sur le terrain des combats, les forces russes, appuyées par le groupe paramilitaire privé Wagner, redoublent d'efforts pour prendre Bakhmout, une localité de la région de Donetsk (est) qui fait l'objet d'une bataille sanglante depuis des mois. Ces 15 derniers jours, les combattants russes ont un peu avancé, s'emparant d'une grande partie de la cité voisine de Soledar.

Et jeudi, ils ont lancé une "offensive locale" dans le sud, près de la ville d'Orekhiv, selon un responsable de l'administration d'occupation russe Vladimir Rogov. Dans ce contexte, Volodymyr Zelensky a rappelé "l'importance de démilitariser la centrale (nucléaire de Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine) et d'en retirer tous les représentants de la Russie sans exception", à l'occasion d'une rencontre avec le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Raphael Grossi, en "visite de travail" en Ukraine.