Crimes de guerre, sécurité internationale mise à mal : l'invasion russe en Ukraine a dominé lundi l'ouverture des débats au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU et la Conférence du désarmement. Après l'adoption, la semaine dernière, à une très large majorité d'une résolution par l'Assemblée générale des Nations unies exigeant un retrait "immédiat" des troupes russes, l'ONU et les alliés de Kiev ont lancé lundi une nouvelle salve de critiques contre Moscou, avec pour intention de démontrer que cette guerre ne concerne pas que l'Europe.
Les principales informations :
- Deux personnes sont mortes dans l'ouest de l'Ukraine après des frappes russes de drones
- L'invasion de l'Ukraine est "la violation la plus massive des droits humains que nous connaissons aujourd'hui", déclare Guterres
- Le discours de la Chine très attendu à l'ONU
- La Russie dénonce les sanctions absurdes de l'UE
- La secrétaire américaine au Trésor a annoncé le transfert de 1,2 milliard de dollars d'aide budgétaire à l'Ukraine
- L'UE prolonge pour un an ses sanctions contre la Biélorussie
La situation à Bakhmout "de plus en plus compliquée", dit Zelensky
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a reconnu lundi soir que la situation de ses troupes aux alentours de Bakhmout, dans l'est du pays, devenait très difficile.
"La situation devient de plus en plus compliquée", a-t-il déclaré dans son message quotidien. "L'ennemi détruit systématiquement tout ce qui peut être utilisé pour protéger nos positions", a-t-il ajouté, qualifiant de "vrais héros" les soldats ukrainiens engagés dans cette bataille. Depuis l'été, les troupes de Moscou tentent de prendre la ville de Bakhmout, à l'importance stratégique contestée mais devenue un symbole de la lutte pour le contrôle de la région du Donbass, dans l'est de l'Ukraine.
L'Union européenne prolonge pour un an ses sanctions contre le Bélarus
L'UE a annoncé lundi qu'elle prolongeait d'un an ses sanctions contre le Bélarus pour la poursuite de la répression menée par le régime d'Alexandre Loukachenko et son soutien à la guerre menée par la Russie en Ukraine. Ces sanctions sont prolongées jusqu'au 28 février 2024, a annoncé lundi le Conseil européen, instance qui représente les 27 Etats membres de l'UE. Une peine de 19 ans de prison a été requise lundi contre l'opposante bélarusse en exil Svetlana Tikhanovskaïa, jugée par contumace depuis janvier dans cette ex-république soviétique.
Depuis août 2020, l'UE a imposé plusieurs séries de sanctions contre les responsables de la répression politique et des violations des droits humains au Bélarus. Le président Alexandre Loukachenko et 194 autres personnalités proches du régime ont été interdits de séjour dans l'UE et leurs avoirs ont été gelés. En outre, 34 entités ont été sanctionnées et tout financement européen leur est interdit. Le Bélarus est également soumis à des sanctions économiques ciblées, notamment des restrictions dans le secteur financier, le commerce, les biens à double usage, les télécommunications, l'énergie, les transports.
Janet Yellen annonce le transfert de 1,2 milliard de dollars à l'Ukraine
La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen, en visite à Kiev, a annoncé lundi le transfert de 1,2 milliard de dollars d'aide budgétaire à l'Ukraine pour l'aider à "répondre aux attaques russes" en soulageant ses finances. Une semaine après la visite surprise du président américain Joe Biden, la ministre a rencontré à son tour le président ukrainien Volodymyr Zelensky et a annoncé "le transfert d'un montant additionnel de plus de 1,2 milliard de dollars". "C'est la première tranche des près de 10 milliards de dollars de soutien budgétaire que les Etats-Unis vont fournir dans les mois à venir", a-t-elle précisé durant un discours, estimant que "le maintien d'un gouvernement efficace (était) indispensable aux capacités de l'Ukraine à répondre aux attaques russes".
"Notre soutien économique permet au gouvernement ukrainien et aux services publics essentiels de rester opérationnels dans des circonstances extraordinaires", a-t-elle ajouté, expliquant que cet argent permettrait à l'Ukraine de payer ses enseignants, ses pompiers ou encore de venir en aide aux millions de déplacés du pays. Selon Janet Yellen, les Etats-Unis ont fourni en 2022 presque 50 milliards de dollars d'aide "sécuritaire, économique et humanitaire" à l'Ukraine, faisant de Washington "le plus gros donateur bilatéral" de Kiev. "Nous allons presser pour plus d'action de nos alliés et partenaires", a-t-elle affirmé.
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Janet Yellen a également visité une école et le mur "à la mémoire des défenseurs de l'Ukraine tombés pendant la guerre Ukraine-Russie", en compagnie de l'ambassadrice américaine en Ukraine Bridget Brink. La secrétaire américaine au Trésor a par ailleurs salué vendredi "l'engagement fervent du président Zelensky à gérer ces fonds de la façon la plus responsable", estimant que la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption devaient être "aussi importantes en temps de guerre que de paix".
L'Ukraine, dont l'effort de guerre dépend en majeure partie du soutien occidental, a été secouée ces dernières semaines par un important scandale de corruption présumée concernant des approvisionnements de l'armée. Plusieurs responsables politiques ont été limogés.
Le Kremlin dénonce les nouvelles sanctions "absurdes" de l'UE contre Moscou
Le Kremlin a qualifié lundi d'"absurdes" les nouvelles sanctions imposées par l'Union européenne à la Russie un an après le début de son offensive en Ukraine, visant 121 individus et entités. "Tout cela est absurde. On voit bien qu'ils placent sous sanctions n'importe qui (...), juste pour faire de nouvelles listes", a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en assurant que ces mesures n'allaient "pas gêner" les personnes sanctionnées.
Il a jugé "évident" que l'UE poursuivra sa politique de sanctions et que "de nouvelles personnes juridiques et morales se retrouveront de manière absurde" sur ses listes. L'UE a approuvé vendredi soir son 10e train de sanctions destinées à frapper l'économie de la Russie qui mène depuis le 24 février 2022 une offensive en Ukraine.
"La violation la plus massive des droits humains"
"L'invasion de l'Ukraine par la Russie a déclenché la violation la plus massive des droits humains que nous connaissons aujourd'hui", a asséné le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, à l'ouverture de la 52e session du Conseil des droits de l'Homme (CDH), qui doit durer près de six semaines. Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk a lui dénoncé le retour des "guerres d'agression destructrices, datant d'une époque révolue et aux conséquences mondiales, comme nous l'avons à nouveau constaté en Europe avec l'invasion insensée de l'Ukraine par la Russie".
"Aujourd'hui, c'est l'Ukraine, mais demain, ce pourrait être un autre pays voisin", a lancé le président du Monténégro Milo Djukanovic, appelant les pays à ne "pas rester neutres". À la Conférence du désarmement - qui débute aussi lundi au siège de l'ONU à Genève - le secrétaire d'Etat britannique pour l'Europe, Leo Docherty, a lu une déclaration au nom de plus de 30 pays, soulignant que l'invasion russe "est une menace non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour la paix et la sécurité internationale et pour l'ordre international".
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"La Russie met à mal notre architecture de sécurité collective et remet en cause notre ordre mondial fondé sur les règles de droit. En un mot, la Russie tente d'imposer sa vision des relations internationales fondée sur la loi du plus fort, ou a minima du plus agressif", a déclaré la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna. "La Russie porte atteinte à l'architecture de contrôle des armements dont nous dépendons tous", a renchéri la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock.
Le discours chinois très attendu
Le discours du représentant chinois, qui devrait s'exprimer plus tard dans la journée par visionconférence devant le CDH, est très attendu, après la publication, la semaine dernière par Pékin, d'un document appelant à des pourparlers de paix et une "solution politique". Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken doit participer jeudi au CDH en visioconférence, tandis que le vice-ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Riabkov est attendu ces prochains jours à Genève. Il n'est pas sûr que les diplomates quittent la salle au moment de son discours comme ils l'avaient fait l'an dernier pour son chef Sergueï Lavrov, qui était intervenu en visioconférence.
A l'issue de la session, début avril, les 47 Etats membres du CDH devront se prononcer sur la poursuite des travaux des enquêteurs onusiens sur l'Ukraine, qui présenteront ces prochaines semaines leur premier rapport écrit après avoir déjà fait état en septembre de crimes de guerre.
L'ambassadrice ukrainienne Yevheniia Filipenko plaide pour un "renforcement" de la résolution définissant le mandat des enquêteurs, mais il n'est pas sûr que le texte final reflète cette volonté car Kiev et ses alliés devront convaincre certains pays hésitants à critiquer Moscou de ne pas grossir les rangs des abstentionnistes. Le renouvellement du mandat du Rapporteur sur la situation des droits humains en Russie fera également l'objet d'âpres discussions.
Le mandat du Rapporteur sur l'Iran est également en jeu, après la répression des manifestations qui ont éclaté à la suite de la mort en détention de Mahsa Amini. "La priorité c'est que ce mandat soit renouvelé. Mais la deuxième priorité c'est que le texte reflète la terrible dégradation de la situation qui s'est produite ces derniers mois", a assuré un diplomate occidental.
Deux morts et trois blessés après des frappes de drones
Deux personnes ont été tuées et trois blessées dans l'ouest de l'Ukraine, à Khmelnytsky, au cours d'une attaque russe ayant visé dans la nuit de dimanche à lundi plusieurs régions et impliqué au total plus de dix drones de combat de fabrication iranienne, ont annoncé les autorités. Les deux personnes ayant péri sont des secouristes qui étaient en service, ont précisé dans des déclarations distinctes le maire de Khmelnytsky, Oleksandre Symtchychyne, et le gouverneur de la région de Khmelnytsky, Serguï Gamaliï.
Selon Serguï Gamaliï, le deuxième secouriste a succombé à ses blessures après avoir été transporté à l'hôpital. De son côté, le ministre ukrainien de l'Intérieur, Igor Klimenko, a souligné que ces deux personnes étaient âgées de 21 et 31 ans. Pendant qu'elles s'affairaient sur les lieux d'une frappe initiale de drone, elles ont été victimes d'une nouvelle attaque russe, "délibérée sur nos héros (qui étaient) sans défense", a raconté Igor Klimenko sur Facebook.
Selon le gouverneur, il y a eu trois frappes nocturnes sur Khmelnytsky, un centre régional situé à quelque 350 kilomètres au sud-ouest de Kiev et qui comptait environ 275.000 habitants avant l'invasion russe. Dans son compte rendu quotidien diffusé lundi, le ministère russe de la Défense a, de son côté, simplement dit avoir "détruit le centre des opérations spéciales 'Ouest' à Khmelnytsky", sans toutefois faire le lien avec l'attaque décrite par les autorités ukrainiennes.
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Au total, la Russie a envoyé contre l'Ukraine "14 drones de combat" Shahed de fabrication iranienne, a déclaré l'armée de l'air ukrainienne, affirmant que onze d'entre eux ont été abattus par la défense antiaérienne. Neuf drones ont été détruits autour de Kiev, a précisé l'administration militaire de la capitale, selon laquelle il n'y a eu ni victimes ni dégâts dans ces attaques, selon la même source. Le ministère russe de la Défense a, quant à lui, dit avoir "détruit le centre de renseignement électronique des forces armées ukrainiennes, dans la région de Kiev, dans la zone de la localité de Brovary".