Au 75eme jour de la guerre en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine, célébrant la victoire de 1945 sur le nazisme, a affirmé que son pays ne faisait que se "défendre" contre une "menace inacceptable" à ses frontières. "Des batailles très intenses" se déroulent dans le même temps dans la région de Lougansk. Europe 1 fait le point sur l'évolution de la situation.
Deux mois et demi après le début de la guerre en Ukraine , les forces russes poursuivent une offensive meurtrière dans l'est et le sud du pays, et le président russe Vladimir Poutine , célébrant la victoire de 1945 sur le nazisme, a affirmé lundi que son pays ne faisait que se "défendre" contre une "menace inacceptable" à ses frontières. Le président russe s'efforce de placer le conflit en Ukraine dans la ligne de 1945, qualifiant sans cesse l'adversaire de néonazi, pour justifier l'invasion et alimenter le soutien des Russes à ce conflit.
Les principales informations :
- Vladimir Poutine qualifie de "menace inacceptable" le soutien de l'Occident à l'Ukraine devant des milliers de soldats russes
- La Russie célèbre les commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un contexte d'invasion de l'Ukraine
- Des batailles "intenses" se déroulent dans la région de Lougansk, à l'est de l'Ukraine
- Soixante personnes ont perdu la vie après un bombardement russe d'une école de Lougansk
- L'usine d'Avozstal résiste
Poutine explique les raisons de l'invasion russe
"Je m'adresse à nos forces armées : vous vous battez pour la patrie, pour son avenir", a déclaré Vladimir Poutine au cours des commémorations de la fin de la guerre, organisées le 9 mai en Russie. Revenant sur sa décision de lancer ses forces en Ukraine le 24 février, il a répété que les autorités ukrainiennes préparaient une attaque contre des séparatistes prorusses dans l'est du pays, voulaient se doter de la bombe atomique et étaient soutenus par l'Otan.
"Une menace absolument inacceptable se constituait, directement à nos frontières", a-t-il affirmé, accusant encore une fois son voisin de néonazisme, et s'engageant à "faire tout pour que l'horreur d'une guerre globale ne se répète pas". Les forces de l'ordre, déployées sur le parcours du défilé à travers le centre-ville, portaient à l'épaule droite la lettre "Z", devenue un symbole des partisans de l'offensive en Ukraine, car elle orne les véhicules d'unités russes déployées dans le conflit.
Loin de Moscou, dans le défilé de Novossibirsk, en Sibérie, des véhicules datant de la Seconde Guerre mondiale, frappés d'un Z, ont roulé à travers la ville.
11.000 soldats lors du défilé militaire
Après son discours, 11.000 soldats, des dizaines de véhicules, dont des lance-missiles stratégiques, des chars sont passés sur la place Rouge. Parmi eux, des unités revenant du front ukrainien. La partie aérienne a elle dû être annulée à cause d'une météo défavorable.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, la traditionnelle parade du 9 mai célèbre autant la victoire soviétique sur l'Allemagne nazie que la puissance russe retrouvée après l'humiliation de la chute de l'URSS. Le président russe s'efforce aussi de placer le conflit en Ukraine dans la droite ligne de 1945, qualifiant l'adversaire de néonazi.
"Nous ne laisserons personne annexer cette victoire", dit Zelensky
Dans un message vidéo posté une heure avant le discours du président russe, Volodymyr Zelensky a déclaré : "Nous ne laisserons personne annexer cette victoire, se l'approprier". "Le jour de la victoire sur les nazis, nous nous battons pour une autre victoire, la voie vers cette victoire est longue mais nous n'avons pas de doutes sur notre victoire", a-t-il insisté, marchant dans l'avenue centrale de Kiev, Khrechtchatyk. "Nous avons vaincu à l'époque, nous vaincrons maintenant".
Deux mois et demi après l'entrée des forces russes sur le territoire de leur voisin, les combats se concentrent dans l'Est, la Russie ayant dû revoir à la baisse son ambition de prendre le pays et Kiev, sa capitale, face à la résistance acharnée des Ukrainiens, armés par les Occidentaux.
>> LIRE AUSSI - Défilé russe du 9 mai : «Une offensive est possible» à Marioupol, prévient Carole Grimaud Potter
"Les pays de l'Otan n'avaient pas l'intention d'attaquer la Russie"
"Poutine aurait mieux fait de faire participer des dizaines de soldats russes blessés à ce défilé en Russie", a ironisé Ievguen Ienine, Premier vice-ministre de l'Intérieur ukrainien dans une vidéo postée sur le compte Telegram du ministère. "Ou bien de faire porter 20.000 cercueils à travers la place Rouge afin que les mères russes voient comment leurs fils sont morts ou ont été estropiés en Ukraine", a-t-il poursuivi.
"Les pays de l'OTAN n'avaient pas l'intention d'attaquer la Russie. L'Ukraine n'avait pas l'intention d'attaquer la Crimée. L'armée russe est en train de mourir non pas en défendant son pays, mais en essayant d'en occuper un autre", a déclaré Mikhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne dans un tweet en réponse aux arguments réitérés lundi par Vladimir Poutine. "Il n'y avait aucune raison rationnelle à cette guerre, à l'exception de douloureuses ambitions impériales de la Russie", a-t-il ajouté.
La place de l'Indépendance, le célèbre Maïdan, était quasiment vide, sous la surveillance de quelques patrouilles de police, tandis que le calme était rompu de temps en temps par le hurlement des sirènes.
L'usine d'Azovstal résiste
A Marioupol, port du sud-est quasi entièrement sous contrôle russe après deux mois et demi de calvaire, les militaires ukrainiens qui résistent toujours dans l'immense aciérie Azovstal ont exclu de se rendre. "Capituler n'est pas une option car notre vie n'intéresse pas la Russie. Nous laisser en vie ne lui importe pas", a déclaré Ilya Samoïlenko, un officier du renseignement.
Les civils qui se trouvaient avec les combattants dans ce vaste complexe pilonné par les forces russes ont pu être tous évacués, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, citant le nombre de 300 personnes encore exfiltrées. Selon les dernières informations, "il n'y a plus de civils" dans l'aciérie, d'après l'ONU, qui n'est cependant pas "en mesure de le vérifier". L'état-major ukrainien a fait état dimanche d'"opérations d'assaut russes" contre le site, avec "le soutien de l'artillerie et des tirs de chars".
Charles Michel à Odessa sous les frappes russes
En visite surprise dans le grand port ukrainien sur la mer Noire, jusqu'ici relativement épargné par la guerre, le président du Conseil européen Charles Michel a été forcé de s'abriter en raison de frappes de missiles . Lors d'une rencontre entre Charles Michel et le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal, "les participants ont dû interrompre la réunion pour se mettre à l'abri car des missiles ont à nouveau frappé la région d'Odessa", a indiqué un responsable de l'UE.
Charles Michel a de son côté écrit sur Twitter qu'il était venu à Odessa pour célébrer la Journée de l'Europe.
60 civils tués dans le bombardement d'une école dimanche
Soixante civils ont péri dans le bombardement russe d'une école dans l'est de l'Ukraine, avait déclaré dimanche soir le président ukrainien lors d'un sommet du G7. "Ils essayaient de trouver refuge dans le bâtiment d'une école ordinaire qui a été visée par une frappe aérienne russe", a-t-il dit. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est dit "horrifié" par le bombardement.
Dans un discours attendu lundi, le ministre britannique de la Défense Ben Wallace estime que les généraux russes devraient être traduits devant une cour martiale pour leurs actes en Ukraine et appelle ainsi à dénoncer leur "absurdité", resplendissants dans leurs uniformes de parade, alourdis par leurs nombreuses médailles, totalement complices du détournement par Poutine de la fière histoire de leurs ancêtres". "Au lieu de cela maintenant, ce sont eux qui infligent des souffrances inutiles au service d'un gangstérisme de bas étage", dénonce le ministre britannique.
>> LIRE AUSSI - Menaces russes : la France est-elle suffisamment protégée en cas d'attaque nucléaire ?
Des batailles "intenses" dans la région de Lougansk
Sur le terrain lundi "des batailles très intenses se déroulaient autour de Roubijné et de Bilogorivka" dans la région de Lougansk, a indiqué le gouverneur Serguiï Gaïdaï. "De féroces batailles font rage à Bilogorivka. l'aviation, l'artillerie et les mortiers y sont actifs. Beaucoup de combattants des deux côtés", décrit-il. La Russie n'a jusqu'à présent pu revendiquer le contrôle complet que d'une ville d'importance, Kherson (sud), et l'offensive militaire que nombre d'experts prédisaient comme fulgurante a été marquée par des déconvenues, notamment logistiques.
Après avoir échoué aux portes de Kiev face à des forces ukrainiennes plus motivées que prévu et armées par les Occidentaux, l'état-major russe a dû revoir ses objectifs à la baisse en resserrant l'offensive sur l'est et le sud du pays. A Marioupol, port du sud-est ukrainien presque entièrement sous contrôle russe, les militaires ukrainiens qui résistent toujours dans l'immense aciérie Azovstal ont exclu de se rendre. "Capituler n'est pas une option car notre vie n'intéresse pas la Russie. Nous laisser en vie ne lui importe pas", a déclaré dimanche Ilya Samoïlenko, un officier du renseignement.
Des milliers de morts côté ukrainien et côté russe
Il n'existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit. Rien qu'à Marioupol, les autorités ukrainiennes ont parlé il y a plusieurs semaines de 20.000 morts. Et les enquêteurs ukrainiens affirment avoir identifié "plus de 8.000 cas" présumés de crimes de guerre. Sur le plan militaire, le ministère ukrainien de la Défense évalue les pertes russes à plus de 25.000 hommes, 199 avions et 1.130 chars depuis le début de l'invasion le 24 février.
Le Kremlin a récemment admis des "pertes importantes". Certaines sources occidentales évoquent jusqu'à 12.000 soldats russes tués. Le président Zelensky a déclaré qu'environ 2.500 à 3.000 soldats ukrainiens avaient été tués et quelque 10.000 blessés. Aucune statistique indépendante n'est cependant disponible.
>> LIRE AUSSI - La journée européenne d'Emmanuel Macron à Strasbourg et Berlin
5,4 millions d'Ukrainiens ont fui
Selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR), plus de 5,4 millions d'Ukrainiens ont fui leur pays. Parmi eux, 90% de femmes et d'enfants, les hommes de 18 à 60 ans, susceptibles d'être mobilisés, n'ayant pas le droit de partir. Plus de 7,7 millions d'Ukrainiens ont été déplacés à l'intérieur du pays, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).