C'est un rapport accablant. Selon un document interne, à paraître le 15 juin et auquel l'agence Associated Press dit mercredi avoir eu accès, 231 femmes haïtiennes disent avoir eu des relations sexuelles avec des membres de la mission de l'ONU en Haïti en échange d'aide matérielle, financière ou médicale.
Du sexe en échange de chaussures. Le rapport, intitulé en français "Evaluation des efforts d'exécution et d'assistance réparatrice pour l'exploitation et les abus sexuels par des personnels des Nations unies ou affiliés dans les opérations de maintien de la paix", parle de "sexe transactionnel" pour les femmes interrogées, parmi lesquelles un tiers de mineures au moment des faits. L'agence de presse cite des passages précis : "Pour des femmes du monde rural, la faim, le manque d'abri, d'articles de soin pour les bébés, de médicaments et d'articles domestique ont été fréquemment cités comme le 'besoin déclencheur'". Selon The Guardian, qui relaie l'information, des femmes disent avoir reçu des "chaussures d'église", des téléphones portable, des ordinateurs et du parfum, comme de l'argent, en échange de relations sexuelles.
"En cas de non paiement, certaines femmes retenaient les badges de casques bleus et menaçaient de dévoiler leur infidélité sur les réseaux sociaux", selon le rapport cité par Associated Press. Par ailleurs, le document indiquerait que "seules sept interviewées connaissaient la politique des Nations unies qui prohibent l'exploitation et l'abus sexuel". Aucune ne connaissait la possibilité de dénoncer ces faits à l'ONU, ajoute l'agence.
La police de l'ONU. L'Office of internal oversight services (OIOS) donne en effet la possibilité de signaler des abus présumés commis par des forces de maintien de la paix ou des employés des Nations unies. Le Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies (son nom en français) est un service d'enquête interne de l'Onu qui n'a pas vocation à punir, mais simplement à pointer du doigt les méfaits. Les soldats déployés restent sous la compétence juridique de leur pays.
Le rapport à paraître suggère également que les exploitations ne sont pas assez dénoncées. "Les allégations d'exploitation et d'abus sexuels continuent à ternir la réputation des efforts de maintien de la paix", notait Carman L. Lapointe, sous-secrétaire générale de l'OIOS, dans le rapport annuel du Bureau, publié en février 2015. "Malheureusement", ajoutait-elle à l'époque, "c'est moins les incidents rapportés que l'ampleur des incidents passés sous silence qui m'inquiètent". Le rapport faisait état en 2014 de 35 enquêtes pour des cas d'abus ou d'exploitation sexuelle, dont douze impliquant des mineurs ou des relations non consenties. Un officier de mission en Haïti était notamment mentionné, ainsi que quatre cas impliquant un ou des casques bleus. Pour l'heure, on ignore pour l'heure combien de casques bleus sont impliqués ainsi que la date de ces présumés abus sexuels révélés dernièrement.
Nouveau coup dur pour la Minustah. La Minustah, la force de maintien de la paix à Haïti, a mandat sur l'île depuis 2004. Au total, selon son site internet, 8662 personnes travaillaient pour elle en janvier 2015, militaires, policiers et civils confondus. En 2011, selon une unité de recherches de l'université de Montréal au Canada, la France ne fournissait que 18 employés. La Minustah a déjà été sous le coup de critiques de la communauté internationale après le déclenchement d'une épidémie de choléra partie des alentours d'un camp de casques bleus népalais, et qui a fait plus de 8.000 morts.