C'est une semaine décisive qui s'ouvre pour le bras de fer qui oppose Madrid et Barcelone. Carles Puigdemont, le président indépendantiste du parlement catalan, avait jusqu'à lundi matin 10 heures pour confirmer ou non s'il avait déclaré l’indépendance mardi dernier au Parlement. Comme réponse, Puigdemont annonce lundi, dans une lettre au gouvernement espagnol, son souhait de "suspendre" pendant deux mois le mandat confié par les Catalans.
Un délai supplémentaire de trois jours. Le ministre espagnol de la Justice, Rafael Catala, a déclaré un peu plus tard que la réponse du dirigeant catalan n'était pas une réponse valable, ont rapporté les médias espagnols. Mariano Rajoy avait demandé à Carles Puigdemont de répondre à la question sur l'indépendance par un simple "oui" ou "non", ajoutant que toute réponse ambiguë serait considérée comme la confirmation qu'il y a bien eu proclamation d'indépendance.
Cette solution n'étant pas celle adoptée par le leader indépendantiste, il aura un délai de trois jours supplémentaires pour se rétracter. À l'issue de cette période, si Carles Puigdemont n'a toujours pas renoncé à proclamer la "République de Catalogne", Madrid prendra le contrôle de la région et destituera le gouvernement régional en vertu de l'article 155 de la Constitution.
Une autonomie en danger. Cette prise de contrôle risque de pousser dans la rue des Catalans attachés à leur autonomie retrouvée après la dictature de Franco 40 ans plus tôt, même s'ils restent très divisés sur la question de l'indépendance. Les tensions dans la société sont de plus en plus visibles alors que les séparatistes annoncent déjà qu'ils descendront dans la rue cette semaine si Madrid suspend l'autonomie.
Malgré l'enjeu, celui qui vit peut-être ses derniers jours comme président de la Catalogne s'est contenté d'un appel au calme dimanche. "Le gouvernement catalan et moi-même voulons redire notre attachement à la paix, au civisme, à la sérénité mais aussi à la démocratie. Ces valeurs inspirent les décisions que nous devons prendre", a-t-il déclaré. Car quelle que soit la décision qu'il prendra, les conséquences seront importantes.
Renoncer à une partie de ses soutiens. Carles Puigdemont sait que céder à Madrid indignerait les séparatistes. Les uns après les autres, ses alliés lui ont demandé ces derniers jours de mettre en oeuvre le résultat du référendum d'autodétermination du 1er octobre, interdit par la justice, où le "oui" à l'indépendance a recueilli 90% des voix avec une participation de 43%, selon le gouvernement catalan. Les indépendantistes et l'extrême gauche ont d'ores et déjà annoncé qu'elles lui retireraient leur soutien en cas de réponse contraire.
À l'inverse, les syndicats, le patronat et une partie de la presse catalane lui ont demandé de renoncer à cette déclaration d'indépendance. En quinze jours, 500 entreprises ont annoncé leur départ.
Une médiation voulue par Puigdemont, refusée par Rajoy. Le dirigeant catalan avait suspendu mardi dernier la déclaration d'indépendance qu'il avait à peine annoncée, pour laisser une chance au "dialogue" avec Madrid et à une médiation qu'il appelle de ses vœux. Mariano Rajoy se dit prêt à discuter si les dirigeants catalans reviennent à la légalité.
Mais le numéro deux de l'exécutif catalan Oriol Junqueras a mis les choses au clair samedi : le dialogue ne peut porter que sur l'indépendance de la "République de Catalogne". Quant à la médiation, Mariano Rajoy ne veut pas en entendre parler. Pourtant lundi matin, Carles Puigdemont a fait une nouvelle tentative d'ouverture en sollicitant une rencontre avec le président espagnol pour qu'un dialogue se tienne dans les deux mois à venir. Une situation inextricable dont les États membres de l'Union européenne préfèrent ne pas se mêler pour ne pas affaiblir Madrid et ouvrir la boîte de Pandore des sécessions possibles à travers l'Europe.