La Française Mélina Boughedir a été condamnée dimanche par un tribunal irakien à la prison à perpétuité pour appartenance au groupe djihadiste État islamique (EI). Elle risquait la peine capitale.
Condamnée à la perpétuité
Arrêtée durant l'été 2017 à Mossoul, ancienne "capitale" irakienne de l'EI dans le nord du pays, Mélina Boughedir avait été condamnée en février dernier à sept mois de prison pour entrée "illégale" en Irak. Elle a finalement été reconnue coupable dimanche à l'issue d'un nouveau procès, au titre de la loi antiterroriste, qui prévoit une période de sûreté de 20 ans.
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Selon cette législation, la jeune Française était passible de la peine capitale. Elle y a donc échappé. Mélina Boughedir est la deuxième Française condamnée à la prison à perpétuité en Irak, moins de deux mois après Djamila Boutoutaou, 29 ans. Toutes les deux ont plaidé avoir été dupées par leurs maris - aujourd'hui introuvables.
"Je suis innocente"
Dupée par son mari ? Mélina Boughedir s'est présentée dimanche à l'audience en robe et voile noire, sa plus jeune fillette dans les bras - alors que ses trois aînés ont déjà été rapatriés en France. "Je suis innocente", a-t-elle lancé au juge en français, tandis qu'un traducteur l'assistait. "Mon mari m'a dupée et ensuite il a menacé de partir avec les enfants", a-t-elle plaidé.
"Je condamne les actes de mon mari". "Je suis contre les idées de l'État islamique", a-t-elle martelé, et "je condamne les actes de mon mari", lui aussi un ressortissant français. Au sujet de celui qu'elle a dit avoir épousé il y a cinq ans, elle a assuré ne pas connaître son sort, affirmant ne pas avoir de nouvelles de lui depuis qu'il était parti un jour "chercher de l'eau".
Un premier jugement révisé
Sa ligne de défense, ainsi que la présence de ses trois avocats français et de leur confrère irakien, n'ont pas convaincu. Lors du premier jugement, dont la clémence tranchait avec le sort habituellement réservé aux étrangers accusés d'avoir rejoint l'EI, la Cour de cassation de Bagdad avait estimé que Mélina Boughedir avait suivi "en connaissance de cause" son mari.
Après avoir de nouveau interrogé Mélina Boughedir sur la raison et les détails de son entrée en Syrie et en Irak, le président du tribunal a affirmé que "les preuves rassemblées sont suffisantes pour condamner la criminelle à la prison à perpétuité".
Des pressions françaises ?
Considérée comme une terroriste par Le Drian. Samedi, l'un des avocats français de Mélina Boughedir, William Bourdon, avait affirmé qu'il existait de "lourdes interrogations sur les pressions qui auraient été exercées par la France pour provoquer un nouveau procès". Jeudi dernier, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait décrit Mélina Boughedir comme une "terroriste de Daech [acronyme arabe de l'EI] qui a combattu contre l'Irak". Il avait appelé ce pays à la juger, tout en réitérant son refus de la peine de mort.
Une "ingérence inacceptable", pour les avocats. "Il y a un antagonisme inédit entre le pouvoir politique français et la justice", avait également accusé samedi Me Bourdon, qui a interpellé dans une lettre ouverte Jean-Yves Le Drian avec ses confrères Martin Pradel et Vincent Brengarth. Dans cette missive, ils dénoncent une "volonté à tout prix, et au sacrifice des principes fondamentaux, que [leur] cliente ne revienne pas" et fustige une "ingérence inacceptable".
Une information judiciaire en France
La famille et la défense de Mélina Boughedir plaident, eux, pour qu'elle rentre en France où "un juge d'instruction a signifié par un mandat d'arrêt qu'il souhaitait la voir dans son bureau", selon Me Bourdon. En France, la jeune femme est visée par un mandat de recherche délivré dans le cadre d'une information judiciaire ouverte à Paris le 2 août 2016, pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle", selon une source judiciaire.
Les avocats de Mélina Boughedir annoncent leur volonté de faire appel
Interrogé dimanche sur francinfo, William Bourdon, l'un des quatre avocats de Mélina Boughedir, a annoncé son intention de faire appel du jugement rendu par la justice irakienne à l'encontre de sa cliente. Un choix qui "s'impose", selon lui. "Comment douter du caractère politique de cette décision et du fait que le message envoyé bien imprudemment par Jean-Yves Le Drian a été reçu cinq sur cinq par Bagdad", a-t-il déclaré.