Irak : la guerre du pétrole contre l'Etat islamique

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Gwendoline Debono avec P.H. , modifié à
C'est un des nerfs de la guerre. Bagdad tente de récupérer la raffinerie de Baiji sur laquelle l'organisation Etat islamique a mis la main.
REPORTAGE

L'organisation Etat islamique est sur plusieurs fronts. Sa guerre de propagande sur le web est bien connue en France. Mais sur le terrain, les combattants djihadistes ont tout particulièrement un objectif en vue : les ressources naturelles. Actuellement, l’armée irakienne, épaulée par les groupes paramilitaires et la coalition internationale en Irak, mène l’offensive pour tenter de récupérer le site de Baiji, la plus grande raffinerie d’Irak, contrôlée pour moitié par les djihadistes. L'envoyée spéciale d'Europe 1 s'est rendue aux portes de cette installation qui fait l’objet d’affrontements acharnés.

Une alliance à la mesure de l'objectif. Il faut s'imaginer des combats quotidiens dans des plaines asséchées des alentours de Tikrit. Leur violence a une odeur, celle de la poudre qui saisit les narines lorsque l'on s'approche de la raffinerie. Le paysage se fait sinistre. Un milicien indique deux silhouettes près d'un pickup carbonisé : "Ce sont les corps des combattants de Daech (l'autre nom de l'Etat islamique, ndlr.) ! On les a tué avant-hier je crois", dit-il stoïquement.

"Actuellement, [les combattants djihadistes] sont postés à un peu moins d’un kilomètre d’ici", ajoute le paramilitaire. Pour les forcer à reculer du labyrinthe d'acier de la raffinerie, l'armée irakienne et les milices combattent main dans la main. Des avions de chasse de la coalition internationale survolent également le front. "C’est moi qui indique les cibles", se targue le major général Djouma, qui dirige les opérations. "Je reçois des informations sur les positions ennemies, puis j’appelle le coordinateur qui contacte l’aviation. Parfois ils arrivent vite, parfois ils sont occupés … Mais en général ils font du bon boulot avec les F16 ou les Rafale français", salue le militaire irakien.

Remettre Bagdad à flot. Les moyens sont conséquents car l'enjeu est notable : mettre fin à la paralysie du pays. "Cette raffinerie approvisionnait une grande partie de l’Irak" avec 300.000 barils de pétrole par jour avant qu'elle ne soit prise par les djihadistes, selon le gradé irakien, qui précise : "Elle se trouve sur le pipeline qui va de Kirkouk à l’Est, jusqu’à la Turquie. C’est économiquement capital car elle nous fournissait de l’essence, de l’huile de moteur. Or, maintenant, une grosse partie de l’infrastructure est détruite. Il faut la récupérer !". "Le matériel essentiel pour raffiner le pétrole se trouve au cœur de l'installation", explique le commandant des forces spéciales irakiennes, qui engage donc une bataille mètre par mètre pour récupérer la raffinerie.

Problème, l'alliance entre l'armée, les milices et les avions de la coalition n'arrive pas toujours à dépasser les éléments. Une tempête de sable vient d'ailleurs de la briser. On ne voit plus rien à travers l'air jaune et poisseux. Instantanément, des tirs retentissent. "Dès qu’il y a cette poussière, Daech nous attaque !", explique un militaire qui dit son impuissance : "Ils en profitent, je ne peux même pas vous dire où ils sont." Par radio, un militaire posté dans la raffinerie réclame une arme de précision. "Je n'en ai pas", reconnaît son chef, la mine soudain fatiguée par cet air d'usure. Pendant ce temps, entre les balles, les cuves de pétrole continuent à brûler.