L'armée israélienne a encore accentué mardi son offensive contre le Hamas dans la bande de Gaza assiégée, où la population civile vit "l'enfer sur terre", selon un responsable de l'ONU, et tente d'échapper aux bombes dans des conditions humanitaires chaque jour plus désespérées. Prenant le relais après un nouvel échec du Conseil de sécurité paralysé, l'Assemblée générale de l'ONU doit se prononcer mardi sur une résolution exigeant "un cessez-le-feu humanitaire immédiat" dans le territoire palestinien, un texte qui a toutes les chances de passer mais n'a pas de caractère contraignant.
Les principales informations à retenir :
- Les combats se poursuivent dans la bande de Gaza, notamment autour de la ville de Khan Younès.
- "Le Hamas est à son point de rupture, l'armée israélienne reprend ses derniers bastions", a déclaré le ministre israélien de la Défense.
- La situation dans la bande de Gaza est "apocalyptique", a averti le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
- L'ONU et des organisations humanitaires ont exhorté Israël à laisser entrer davantage d'aide dans la bande de Gaza.
- Tsahal a récupéré le corps de deux otages
L'économie palestinienne devrait reculer fortement en 2023
La Banque mondiale (BM) a dressé mardi un premier état des lieux du choc subi par l'économie palestinienne depuis le déclenchement des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza, menées en représailles après l'attaque lancée par le Hamas dans le sud du pays début octobre. Celle-ci avait fait plus de 1.200 morts côté israélien, principalement civils. Au-delà du bilan humain, qui dépasse les 18.000 morts désormais côté palestinien selon le ministère de la Santé du Hamas, il s'agit pour l'institution de tenter de mesurer l'impact du conflit sur une économie palestinienne déjà en souffrance mais qui devait afficher une croissance de 3,2% en septembre, selon les estimations disponibles jusqu'ici.
Désormais, la BM estime que l'économie palestinienne devrait connaître un repli de 3,7% d'ici la fin de l'année avant que le choc provoqué par les conséquences du conflit en cours ne se fasse pleinement sentir en 2024, avec une chute du PIB palestinien de 6%. Une estimation qui pourrait être révisée selon la durée du conflit et de ses conséquences: destructions dans la bande de Gaza mais aussi restrictions des déplacements des Palestiniens au sein même de la Cisjordanie, perte d'emploi des Palestiniens travaillant en Israël et ralentissement, voire repli, de l'économie israélienne elle-même, dont les Palestiniens sont très dépendants.
L'armée israélienne annonce avoir récupéré les corps de deux otages
L'armée israélienne a annoncé mardi dans un communiqué avoir récupéré les corps de deux otages dans la bande de Gaza durant une opération militaire. "Durant une opération dans Gaza, les corps des otages Eden Zakaria et (du soldat) Ziv Dado ont été découverts et ramenés en Israël", affirme ce communiqué, sans préciser dans l'immédiat quand avait eu lieu cette opération.
"L'enfer sur terre"
Les combats terrestres accompagnés de frappes aériennes meurtrières font rage notamment dans le secteur de Khan Younès, la grande ville du sud, où s'étaient réfugiés des centaines de milliers de civils après avoir fui la guerre dans le nord de Gaza. Poussés à fuir à nouveau, des dizaines de milliers d'entre eux s'abritent à présent dans des camps improvisés dans la ville voisine de Rafah, à la frontière avec l'Egypte, où la nourriture se fait rare malgré des distributions limitées d'aide humanitaire.
Gaza est "l'enfer sur terre", a lancé mardi le directeur de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, en visite dans le territoire. "De retour à Gaza, tragédie qui s'aggrave interminablement. Les gens sont partout, vivent dans la rue, manquent de tout. Ils implorent la sécurité et la fin de cet enfer sur terre", a déclaré Philippe Lazzarini sur le réseau social X. Dans le nord de la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a affirmé que l'armée avait lancé mardi une attaque contre l'hôpital Kamal Adwan de Beit Lahiya, après l'avoir "assiégé et bombardé" depuis plusieurs jours. Cet hôpital abrite notamment 3.000 déplacés, selon son directeur. La maternité a été touchée par les combats qui ont tué deux mères, avait annoncé lundi le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).
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Plusieurs hôpitaux de Gaza, notamment le plus grand du territoire, al-Chifa, ont été pris dans les combats depuis le début de la guerre, Israël accusant le Hamas d'y avoir installé des infrastructures et d'utiliser ainsi des civils comme des "boucliers humains".
"Arrêter les bombardements"
Selon le ministère de la Santé du Hamas, le bilan dans la bande de Gaza s'est encore alourdi mardi, avec 18.412 personnes tuées, en grande majorité des femmes et des moins de 18 ans, par les bombardements israéliens déclenchés par l'attaque sanglante du mouvement islamiste contre Israël le 7 octobre. En Israël, cette attaque a fait 1.200 morts, en majorité des civils, selon les autorités. Dans le sud de Gaza, de nouvelles frappes meurtrières ont visé mardi Khan Younès et Rafah, selon des images et des témoignages recueillis par l'AFP. Des frappes sur deux maisons de Rafah ont fait 24 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.
A Rafah, des survivants fouillaient les ruines, à mains nues ou à l'aide de pelles, dans le quartier de Zorob, après une frappe nocturne qui a creusé un cratère de plusieurs mètres de profondeur. "Il reste des gens sous les décombres. La Défense civile nous aide mais nous n'avons pas assez d'équipement pour les sortir", a témoigné Abu Jazar, un homme de 23 ans, en implorant: "Nous appelons le monde arabe et le monde entier à mettre la pression pour arrêter les bombardements sur Gaza".
A l'hôpital al-Najjer de Rafah, Hani Abu Jamea porte en pleurant le corps enveloppé dans un linceul blanc de sa fillette, Sidal, tuée par un éclat d'obus alors qu'elle dormait sous une tente. Autour de lui, dix corps sont alignés. "Il y a eu un bombardement très, très fort, à trois reprises. (...) Au matin, j'ai découvert qu'elle avait été tuée", a raconté cet homme.
Un "point de rupture"
En riposte à l'attaque du 7 octobre, Israël a promis de détruire le Hamas, au pouvoir depuis 2007 à Gaza, considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël notamment. En parallèle à sa campagne de frappes aériennes dévastatrices, l'armée mène depuis le 27 octobre une offensive terrestre contre le Hamas, concentrée dans un premier temps dans le nord puis étendue à l'ensemble du territoire. L'armée a indiqué mardi que 105 soldats étaient morts depuis le début des combats au sol à Gaza, dont 13 tués par des "tirs amis".
Une trêve de sept jours, du 24 novembre au 1er décembre, a permis de libérer 105 otages aux mains du Hamas et de groupes affiliés, tandis que 137 otages restent détenus dans la bande de Gaza. Mardi, du côté israélien de la frontière, une équipe de l'AFP a entendu des tirs d'artillerie ininterrompus et plusieurs frappes sur la ville de Gaza, dans le nord du petit territoire. Le Hamas a également fait état de combats dans le centre de Gaza. L'armée a indiqué avoir découvert, lors d'un raid sur un poste du Hamas, "environ 250 roquettes, obus et lance-roquettes prêts à être utilisés, ainsi que d'autres armes et équipements militaires". Une fabrique d'armes où se trouvaient "des centaines de grenades et de roquettes" a également été découverte.
"Le Hamas est à son point de rupture, l'armée israélienne reprend ses derniers bastions", avait déclaré lundi le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant. Le chef d'état-major, le général Herzi Halevi, a affirmé que l'armée "intensifiait" ses opérations dans le sud tout en consolidant sa présence dans le nord.
"Pas d'hygiène, pas d'eau"
Selon l'ONU, plus de la moitié des habitations ont été détruites ou endommagées par la guerre dans la bande de Gaza, où 1,9 million de personnes ont été déplacées, soit 85% de la population. Rafah s'est transformée en un gigantesque camp où des centaines de tentes ont été montées à la hâte avec des bouts de bois, des bâches en plastique et des draps. "Il n'y a pas d'hygiène, pas de nourriture, pas d'eau... Nous n'avons pas accès à des serviettes hygiéniques, nous devons utiliser des chiffons", déplore une femme de 18 ans, Samar Shalhoub. Dans le nord, des milliers de déplacés ont aussi installé des tentes dans le secteur d'Al-Rimal, à l'ouest de la ville de Gaza, fuyant les bombardements incessants aux alentours, selon un correspondant de l'AFP.
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Depuis le 9 octobre, Israël a imposé un siège total à la bande de Gaza. Les arrivées depuis l'Egypte de vivres, médicaments et carburant restent très insuffisantes selon l'ONU, et l'aide ne parvient pas à être acheminée au-delà de Rafah, les accès au nord étant coupés par les combats. Israël, qui contrôle l'entrée de l'aide internationale, a annoncé la mise en place d'un point de contrôle supplémentaire, à Kerem Shalom, pour l'inspection des camions avant leur entrée à Gaza par le poste-frontière de Rafah, afin d'augmenter la quantité d'aide.
La guerre à Gaza continue d'accroître les tensions dans la région. Mardi, les rebelles Houthis du Yémen ont revendiqué un tir de missile en mer Rouge qui a touché la veille un pétrolier battant pavillon norvégien, affirmant agir par solidarité avec les Palestiniens de Gaza. A Jénine, en Cisjordanie occupée, les forces israéliennes ont tué mardi quatre Palestiniens, selon le ministère palestinien de la Santé.