Des milliers d'Arméniens, venus de plusieurs pays européens, ont convergé dimanche à Bruxelles pour dénoncer la "complicité" de l'Europe après l'opération militaire azerbaïdjanaise au Nagorny Karabakh, une enclave désormais quasiment vidée de ses habitants arméniens. Les dirigeants européens sont "des criminels envers le peuple arménien, ils font couler le sang du peuple arménien", a lancé l'une des organisatrices de cette manifestation, Talline Tachdian, devant ces milliers de personnes, souvent des jeunes, venues de France, Belgique, Pays-Bas et Allemagne.
Une cinquantaine de cars ont fait le voyage depuis l'Île-de-France, où vit une partie de la communauté arménienne de France, l'une des plus importantes d'Europe. Regroupés Rond-Point Schumann, au coeur de l'Europe des institutions, ces manifestants s'en sont pris avec émotion et colère à l'Union européenne, coupable, selon eux, de fermer les yeux sur le drame des Arméniens en échange du gaz azerbaïdjanais que l'UE achète pour compenser en partie la perte du gaz russe. "Vends 2000 ans de civilisation arménienne contre du gaz azéri", pouvait-on lire sur une pancarte brandie par un manifestant.
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Sur une autre, affichant une photo de la présidente de la Commission européenne serrant la main du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, c'est la complicité de l'UE avec Bakou qui est dénoncée. Les séparatistes arméniens, qui ont contrôlé le Nagorny Karabakh pendant trois décennies, ont capitulé et accepté de déposer les armes la semaine dernière, après une offensive éclair de l'Azerbaïdjan pour reconquérir ce territoire. Depuis l'enclave a été presque entièrement désertée par ses habitants, plus de 100.000 réfugiés ayant fui en Arménie par crainte de représailles de l'Azerbaïdjan.
Tous partis
"Rendez ce qui est à nous !", lance une jeune manifestante, Anita Kervakian, 21 ans, venue des Pays-Bas. "J'ai beaucoup d'amis au Karabakh, ils sont tous partis, tous sans exception", affirme de son côté à l'AFP une Arménienne de France, Karine Narazyan, 40 ans, venue de la région parisienne dire sa tristesse et sa colère. Sur le podium, le président des Arméniens de Belgique, Karen Tadevosyan, dit son amertume à la lecture de la réponse faite par les dirigeants européens aux demandes arméniennes. "Une cinquantaine d'organisations ont adressé une lettre le 17 juillet" à Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne.
"Nous prenons note des mesures proposées", a-t-il répondu le 14 août, selon Karen Tadevosyan. "Et quand ils appellent au dialogue, ce ne sont que des mots !", lance-t-il encore, appelant à des sanctions contre l'Azerbaïdjan. "Et s'il n'y a pas de sanctions, alors ils seront vraiment complices", a-t-il ajouté, encouragé par les cris de la foule, brandissant pancartes et drapeaux aux couleurs rouge, bleue et jaune de l'Arménie. "Nous sommes à Bruxelles pour rompre le mur de silence", qui entoure l'Arménie, a encore dit Mme Tachdian. En ouverture de la manifestation, une cinquantaine d'enfants ont chanté l'hymne européen, puis celui de l'Arménie, repris par la foule.
Quelque 10.000 personnes étaient présentes à Bruxelles, selon les organisateurs, plus de 3.000, selon la police de Bruxelles, précisant qu'il s'agit d'une estimation faite en début de rassemblement. L'ancien ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a fait le déplacement pour apporter son soutien à la cause arménienne. L'Europe "doit participer à la surveillance ou à la protection même des frontières de l'Arménie. Préserver, ou surveiller, protéger les frontières de l'Arménie, c'est très important maintenant", a-t-il déclaré, interrogé par l'AFP. Quant au Nagorny Karabakh, que les Arméniens appellent Artsakh, "il n'existe plus, hélas", a ajouté l'ancien chef de la diplomatie française.