Le "momentum", c’est le montant décisif, celui où tout bascule, quand un candidat qui semblait en tête commence à perdre du terrain, quand les courbes d’intentions de vote finissent par s’inverser. Dans l’histoire des élections présidentielles aux Etats-Unis, plusieurs débats entre les candidats républicains et démocrates ont été des "momentums". Le face-à-face entre Joe Biden et Donald Trump en sera-t-il un ? Avant de répondre à cette question, petite leçon d’histoire avec le politologue Olivier Duhamel qui raconte les présidentielles américaines dans le podcast Europe 1 Studio "Mister President".
Découvrez le podcast "Mister President"
La politique américaine vous passionne ? Vous vous demandez encore comment Donald Trump a-t-il pu être élu ? Découvrez "Mister President", le podcast Europe 1 Studio raconté par Olivier Duhamel sur l'incroyable histoire des élections présidentielles américaines depuis 1948.
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1960 : de l'importance du maquillage
Le 26 septembre 1960, se tient à Chicago le tout premier débat diffusé à la télévision de l’histoire des élections présidentielles aux Etats-Unis. 30 millions d’Américains le suivent ! "Sur le fond, les deux prétendants se révèlent assez proches affirmant qu’il faut renforcer la sécurité nationale face au communisme. Mais la poisse recouvre Nixon !", résume Olivier Duhamel.
"Cela a commencé deux semaines plus tôt lorsqu’en campagne en Caroline du Nord, un de ses genoux s’est infecté après avoir heurté une porte de voiture. Rebelote : il se cogne ledit genou en arrivant pour le débat. Nixon apparaît donc amaigri et avec un teint cireux. Kennedy, lui, se montre tout frais et bronzé. Et pour cause, il s’est installé dans un hôtel proche deux jours avant pour se préparer et se reposer. Les deux prétendants ont refusé les maquillages proposés, mais Kennedy s’en était fait mettre un brin avant par son équipe. Celle de Nixon lui a mis une poudre pour masquer sa barbe repoussant trop vite. Problème : une partie fond sous les spots et laisse perler sa transpiration. Ajoutons que Kennedy, à chacune de ses interventions, regarde la caméra quand Nixon fixe parfois le journaliste qui a posé la question et plus encore la pendule sur le mur, ce qui lui donne un regard fuyant", raconte Olivier Duhamel.
Le lendemain, le journal Chicago Daily News titre : "Nixon a-t-il été victime d’un sabotage des maquilleurs ?". On apprendra aussi que les Américains qui ont entendu le débat à la radio ont trouvé Nixon meilleur. Quand tous les autres, parmi lesquels la mère de Nixon qui était devant son poste de télé, ont trouvé Kennedy meilleur. Le jour de l’élection, Kennedy l’emporte avec 49,7% des voix et 303 grands électeurs.
1976 : quand le couac est fatal
Au début de l'année 1976, le démocrate Jimmy Carter, qui était jusqu’à présent un quasi inconnu, semble largement favori pour l’élection présidentielle à venir, menant largement dans les sondages. Mais petit à petit, le président en exercice Gérald Ford, investi en catastrophe après le scandale du Watergate, réduit l’écart. La dynamique est de son côté et le premier débat télévisé se passe bien. Mais la gaffe, le "couac fatal", surgit au deuxième débat.
"Le 6 octobre 1976, devant 64 millions de téléspectateurs, Ford lâche cette phrase : 'Il n’y a pas de domination soviétique en Europe de l’Est, et il n’y en aura pas sous une administration Ford’. Une phrase insensée qui stoppe définitivement sa progression !", résume Olivier Duhamel. Le résultat de l’élection est serré mais c’est bel et bien une défaite pour Ford : Jimmy Carter devient président des Etats-Unis avec 50% des voix et 53 grands électeurs d’avance.
1984 : une gaffe peut se rattraper
Le républicain Ronald Reagan est en campagne pour sa réélection en 1984. Face à lui, le démocrate Walter Mondale, ancien vice-président de Jimmy Carter. Rien ne semble pouvoir fragiliser Reagan, à part son âge : 73 ans. "Une gaffe lors du premier débat présidentiel organisé à Louisville n’arrange pas ses affaires. 'Ici à Washington', dit-il… au lieu de Louisville dans le Kentucky. Mais Reagan se rattrape dès le débat suivant en déclarant : 'Je ne vais pas faire de l’âge un enjeu dans cette campagne. Je ne vais pas exploiter à des fins politiques, la jeunesse et l’inexpérience'".
Même Walter Mondale, 56 ans à l’époque, s’en amuse sur le coup. Il a plus tard admis que Reagan avait ainsi évacué efficacement la question de l’âge. Le jour de l’élection, Reagan l’emporte haut la main avec 58% des votes populaires. Morale de l’histoire : pendant un débat, toutes les gaffes ne se valent pas et une boutade peut mettre un terme à une attaque gênante !