Le satellite placé en orbite dimanche par la Corée du Nord est "un faux nez", pour Olivier Guillard. Le directeur de recherche Asie à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) a expliqué lundi dans la Matinale d’Europe 1 que ce tir de fusée longue portée a probablement servi à Pyongyang à perfectionner la technologie duale, proche de celle qui sert à envoyer un missile balistique intercontinental.
Pyongyang déjà en mesure d'atteindre les Etats-Unis. Cela ne signifie pas pour autant que la Corée du Nord est prête, techniquement comme politiquement, à frapper ses ennemis. "Aujourd’hui, on estime que si les Nord-Coréens avaient la vélléité politique de le faire, ils pourraient, avec ce même produit, atteindre une partie du territoire américain, à savoir l’Alaska et Hawaï", explique Olivier Guillard. Même si le pays de Kim Jong-un est "le dernier état de la communauté internationale dont on peut attendre tout et n’importe quoi", ses menaces et ses provocations récurrentes sont à prendre avec précaution. "Ce que la Corée du Nord n’a certainement pas envie de faire, c’est de passer à l’acte".
Des critiques mesurées de Pékin. Selon le spécialiste, il y a une ligne rouge que Pyongyang doit se garder de franchir : ne pas trop humilier son puissant voisin et presque seul soutien, la Chine. Ce tir de fusée au moment du Nouvel an chinois est "un camouflet" pour Pékin, qui a exprimé "ses regrets", sans trop condamner trop fermement Pyongyang. "Je pense que leur patience est un peu à bout, mais qu’ils ne vont pas aller jusqu’à rompre avec la Corée du Nord", décrypte Olivier Guillard. "Le choix qu’a fait le président Xi Jinping, c’est de se dire : 'mieux avoir un voisin nord-coréen sur lequel nous avons un petit peu de prise sans trop le sanctionner, plutôt qu’un voisin dont on ne sait plus quoi attendre, puisque ce voisin est le plus imprévisible du concert des nations'".
La Chine a déjà fait savoir qu'elle était fermement opposée au déploiement du système américain dit THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) en Corée du Sud, tout près de sa frontière, assurant que de telles initiatives pouvaient porter préjudice à la stabilité de la région. L'entêtement nucléaire nord-coréen contrarie vraisemblablement Pékin, mais l'idée qu'un effondrement du régime nord-coréen permette l'avènement d'une Corée réunifiée alignée sur les Etats-Unis lui est plus intolérable encore.