La Grèce a dit "oui" jeudi au mariage homosexuel et à l'adoption d'enfants par des couples de même sexe, une réforme sociétale majeure portée par le Premier ministre conservateur qui y a vu "un tournant pour les droits de l'Homme". Une fois la loi promulguée, ce pays méditerranéen, dans lequel l'influente Église orthodoxe était farouchement opposée à la réforme, va devenir le 37e pays dans le monde, le 17e pays de l'Union européenne et le premier pays chrétien orthodoxe à légaliser l'adoption pour des parents de même sexe.
Sur les 254 députés présents au parlement monocaméral, 176 ont voté pour, 76 contre et deux se sont abstenus, à l'issue de deux jours d'un débat parfois houleux. Au moment de l'annonce du résultat, des dizaines de personnes, brandissant des drapeaux arc-en-ciel, ont laissé éclater leur joie devant le Parlement, dans le centre d'Athènes.
Pour les associations LGBT+, la Grèce a vécu avec ce vote "une journée historique", selon Adriana Zahari, une étudiante de 22 ans présente devant le Parlement. "Nous sommes si heureux de ce résultat, nous l'attendions depuis si longtemps", s'est félicité la jeune femme.
Le Premier ministre de droite Kyriakos Mitsotakis a salué "un tournant pour les droits de l'Homme" dans un "pays progressiste et démocratique, passionnément attaché aux valeurs européennes" au moment où le Parlement européen, dans une récente résolution, s'est alarmé "des menaces très graves qui pèsent sur la démocratie, l'État de droit et les droits fondamentaux en Grèce" notament autour du recul de la liberté de la presse. "À partir de demain une barrière de plus entre nous (citoyens, ndlr) sera supprimée et deviendra un pont de coexistence dans un État libre entre citoyens libres", avait-il également assuré lors d'une intervention devant les députés plus tôt dans la journée.
L'adoption du projet de loi ne faisait guère de doutes en raison du soutien de plusieurs partis d'opposition de gauche. Mais Kyriakos Mitsotakis était confronté à la rébellion de l'aile la plus conservatrice de son parti Nouvelle-démocratie (ND) opposée à cette réforme.
Mesure phare
Confortablement réélu l'an dernier, il a fait du mariage entre personnes du même sexe une mesure phare de son deuxième mandat. Elle "améliore considérablement la vie de nos concitoyens" homosexuels et de leurs enfants, a-t-il jugé, rappelant qu'il s'agissait là d'"une réalité sociale existante" et qu'en votant pour le mariage homosexuel, les députés allaient lever "une grave inégalité pour notre démocratie".
Depuis 2015, la Grèce dispose d'une union civile mais elle n'offre pas les mêmes garanties juridiques que le mariage civil. Le Premier ministre a également insisté sur la nécessité de mettre un terme à des situations ubuesques en ce qui concerne l'homoparentalité. Car jusqu'à présent seul le parent biologique dispose de droits sur l'enfant. En cas de décès de celui-là, l'Etat retire la garde à l'autre parent. Et les enfants de deux pères ne peuvent pas obtenir de papiers d'identité, le nom d'une mère étant obligatoire à l'état civil.
"Moment historique"
Pour Konstantinos Androulakis, un Grec de 46 ans marié au Royaume-Uni avec Michael et père de deux enfants de 6 et 11 ans, la Grèce vit "un moment historique". "C'est un tremplin important", affirme à l'AFP ce consultant londonien venu en Grèce pour l'occasion, affichant l'espoir qu'à l'avenir, "les droits des personnes LGTB+ s'améliorent en Grèce de manière générale". Certains ont toutefois déploré que le projet de loi n'accorde pas la gestation pour autrui (GPA) aux couples homosexuels.
L'essentiel de l'âpre débat qui a agité le pays ces dernières semaines a concerné la question de l'homoparentalité. Les études d'opinion ont montré que les Grecs étaient plutôt favorables au mariage homosexuel mais opposés à l'adoption par les couples de même sexe.
Dans un pays à une écrasante majorité orthodoxe, l'Église s'est totalement opposée au projet. "Les enfants ont un besoin inné et donc le droit de grandir avec un père de sexe masculin et une mère de sexe féminin", assure le Saint-Synode qui a adressé une missive à tous les députés.
Mais seuls 4.000 opposants environ, emmenés notamment par Niki, le parti d'extrême droite proche de la Russie, se sont retrouvés dimanche devant le Parlement brandissant des icônes de la Vierge et des croix chrétiennes. Tout un symbole : en septembre, Stefanos Kasselakis qui affiche publiquement son homosexualité et s'est récemment marié aux États-Unis à son partenaire a pris les rênes du parti de gauche Syriza, première force d'opposition au parlement.