La richesse ne suffit plus aux électeurs polonais

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Les Polonais se rendent aux urnes dimanche pour élire leur nouveau président (illustration) © AFP/FRANCK FIFE
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Les Polonais élisent dimanche leur chef d'Etat. Le président sortant n'est pas assuré de sa réélection, malgré un bilan économique que lui envierait François Hollande.

Sortez-vous de l'esprit les images de la Pologne à son entrée dans l'Union Européenne en 2004. Plus de dix ans après, ce pays d'Europe de l'Est fait partie des plus prospères du continent avec une croissance et un taux de chômage qui feraient pâlir d'envie les ministères de l'Economie de l'Ouest. Malgré cette prospérité, les Polonais envisagent de sanctionner le gouvernement qui leur a assuré cette économie florissante lors du deuxième tour de l'élection présidentielle qui se tient dimanche.

Une élection sur le fil du rasoir, puisque les sondages oscillent sur le nom du futur vainqueur. Près de 15 millions d'électeurs se rendront aux urnes pour choisir entre les deux candidats : le président sortant Bronislaw Komorowski et son adversaire ultra-conservateur Andrzej Duda. L'actuel chef de l'Etat pourrait donc bien perdre son poste, malgré un bilan paraît plus qu'honorable.

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Champions d'Europe. Alors que François Hollande cherche toujours la recette miracle pour faire baisser le chômage, la Pologne, elle, ne compte "que" 7,7% de chômeurs en mars 2015, selon les chiffres d'Eurostat. Un taux en baisse de 1,5 points sur un an et largement sous la moyenne de l'Union européenne (9,8%). Plus incroyable, la croissance culmine à 3,4% en 2014, au moment même où la France se réjouit de retrouver 0,6% au début de l'année 2015. Les économistes soulignent depuis plusieurs années le "miracle polonais", seul pays sur 28 à avoir échappé à la récession depuis la crise de 2008. 

Les statistiques vs. la vraie vie. A hésiter de reconduire leur président à son poste, les Polonais jouent-ils des enfants gâtés ? "Il peut sembler paradoxal que tant de personnes aient voté contre le président Komorowski au premier tour", abonde auprès d'Europe 1 Piotr Buras, chef du bureau de Varsovie pour le Conseil européen des relations étrangères, un think tank pro-européen. "Mais ces chiffres ne sont que des statistiques, ce n'est pas la vraie vie", explique-t-il. "Beaucoup de personnes ont profité de ces changements, mais la jeune génération estime qu'elle n'a pas assez, voire pas du tout vu la couleur de cette croissance", continue le spécialiste de la politique polonaise.

Et en effet, les services publics sont toujours dans un état désastreux, l'attente dans les hôpitaux interminable, les "contrats-poubelles" précaires largement utilisés, etc. Les retraites s'annoncent quasi-inexistantes pour les générations futures et le chômage des jeunes culmine à plus de 20%. De quoi accumuler de la rage contre le gouvernement sortant et la classe politique en général.

Ras-le-bol de la politique. Les électeurs blasés doivent malgré tout faire leur choix au sein de la politique traditionnelle : la Plateforme civique, au pouvoir, et le parti Droit et justice, celui de l'ancien président tué dans un accident d'avion en 2010. Et pourtant, explique Piotr Buras, le véritable gagnant du scrutin est connu depuis le premier tour. Un troisième homme détonnant  qui a obtenu plus de 20% des voix : Pawel Kukiz, rockeur et activiste est candidat hors normes comparé aux deux cadors de la politique du second tour. "Peu importe qui gagne", résume le spécialiste, "je crois que cette élection est un tournant dans la politique polonaise". Ce qui fait dire aux spécialistes qu'un séisme est plus que probable lors des législatives d'octobre 2015.