Regardez la carte. Le Kazakhstan est l’un des plus grands pays au monde. C’est l’Etat central de l’Asie centrale, le plus vaste, le plus riche. La frontière avec la Russie fait 7.000 kilomètres, sans une rivière, sans un lac, sans une montagne pour marquer la séparation, c’est juste une ligne en pointillé qui court à travers la steppe. Jadis, les colons russes ont déboulé de Sibérie au galop sans même s’apercevoir qu’il y avait une frontière.
Le retour du réel et de l'histoire
Dans le désert, les soviétiques ont déporté les ennemis du peuple, testé les bombes nucléaires, construit le cosmodrome de Baïkonour, exploité l’uranium, les hydrocarbures, les métaux rares, il y a tout le tableau de Mandeleiev en sous-sol…
Et puis, il y a trente ans, soudain, l’URSS s’est évanoui. Le Kazakhstan est devenu indépendant, c’est-à-dire que le Secrétaire général du parti communiste local s’est fait élire président. Nursultan Nazerbaiev est le Père de la nation, avec culte de la personnalité frénétique et corruption à tous les étages. Pendant trente ans, il a tenu prudemment le Kremlin à distance.
Bienvenue aux Chinois, la nouvelle route de la soie suit l’ancienne et Pékin est le premier investisseur. Bienvenue aux Turcs, aux Indiens, aux Iraniens, aux Pakistanais, aux Coréens, aux Américains, et aussi aux Européens, premiers partenaires commerciaux… Cet automne, le Commissaire Borell imaginait sur place que la fuite des Américains d’Afghanistan ouvre une opportunité à l’Europe pour devenir le partenaire stratégique du Kazakhstan… Il rêvait. L’émeute soudaine, la répression, l’arrivée des Russes comme au bon vieux temps du Comecon, c’est le retour du réel, le retour de l’histoire et de la géographie…