La région allemande de la Ruhr va fermer vendredi sa dernière houillère en présence notamment du président allemand et du président de la Commission européenne. De nombreux hommages sont prévus pour dire adieu à cette activité qui a employé jusqu'à 600.000 mineurs.
En plongeant une dernière fois dans leur houillère de Bottrop, vendredi, les "gueules noires" de la Ruhr tourneront une page majeure de l'histoire allemande, faite de solidarité ouvrière et de cathédrales industrielles désormais obsolètes.
Une fermeture solennelle. Après des semaines de documentaires et d'éditions spéciales, tout le pays pourra suivre à la télévision dans l'après-midi cet adieu solennel à la houille, en présence du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du président allemand Frank-Walter Steinmeier.
Un dernier "Bonne chance camarade !". "Glückauf Kumpel !": vêtus de leurs casque et uniforme blanc, les mineurs se lanceront un ultime "Bonne chance camarade !", leur phrase rituelle lorsqu'il fallait percer une "veine" et conjurer le danger toujours présent. Puis ils remonteront un dernier bloc de charbon, "l'or noir" allemand envoyé aux oubliettes par la houille étrangère à bas coût, pendant que la chorale charbonnière de la Ruhr entonnera le Steigerlied, l'hymne traditionnel des mineurs.
Les galeries creusées pendant 150 ans, soit six générations de mineurs, à la pioche puis à la foreuse, seront ensuite scellées et progressivement noyées par les eaux de ruissellement. Depuis onze ans déjà, les 1.500 salariés de la fosse de Prosper-Haniel se préparaient à cette fermeture annoncée, dans une Ruhr qui a compté jusqu'à 600.000 mineurs après la Seconde guerre mondiale.
Une histoire profondément ancrée dans la région. Dès jeudi, les églises et cathédrales de la région ont organisé des messes dédiées alors que les clubs de football rhénans, Dortmund et Schalke en tête, ont rendu hommage avant les rencontres à leurs racines minières.
Car les hauts fourneaux dressés sur les collines rhénanes depuis le 19ème siècle, et les fosses fouillant leurs entrailles jusqu'à 1.500 mètres sous terre, c'était bien plus qu'un outil de travail. Derrière la solidarité, il y avait aussi un labeur usant et risqué, la menace du "coup de grisou" ou la poussière qui ronge peu à peu les poumons.
L'enjeu de la reconversion. Dans la Ruhr, déjà frappée par le déclin de son autre fierté industrielle, la sidérurgie, une difficile reconversion s'annonce, doublée d'une mise en valeur touristique des anciens sites. Depuis que Berlin a programmé en 2007 la fermeture des houillères, les autorités rhénanes tentent de faire du bassin minier un pôle de compétitivité, dense en universités, centres de recherche et start-ups.
Pas de crise pour le charbon. Pour l'Allemagne, qui avait maintenu les mines sous perfusion financière pour éviter un choc trop brutal, l'adieu à la houille est toutefois loin de signifier l'abandon du charbon. Près de 40% du mix électrique allemand repose encore sur ce minerai, sous ses deux formes : la houille importée et plus encore son cousin très polluant et bon marché, la lignite.
Le pays compte ainsi plusieurs immenses mines de lignite à ciel ouvert, dont l'une est occupée par des militants écologistes dans la forêt de Hambach. Et les centrales au charbon venues d'Australie ou de Chine turbinent à plein régime, y compris dans la Ruhr.