Le contexte. Le lancement du mouvement islamophobe avait fait grand bruit l'an dernier. Mais qu'en est-il aujourd'hui de Pegida ? Lutz Bachmann, leader du parti islamophobe en Allemagne, a appelé ses troupes à une nouvelle manifestation lundi à Dresde, deux jours après l'agression d'une élue, poignardée sur un marché de Cologne où elle faisait campagne.
Un mouvement focalisé sur les immigrés. Lancé le 20 octobre 2014 dans la capitale de la Saxe par Lutz Bachmann, le mouvement des Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident n'a aujourd'hui "plus rien à voir" avec ce qu'il était à l'époque. Initialement, il était "plutôt "anti-establishment"", composé d'un noyau d'extrême-droite et de beaucoup d'électeurs déçus par les partis traditionnels, explique Nele Wissmann, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri). "Mais depuis cet automne, il s'est radicalisé pour devenir un mouvement d'extrême droite (...) focalisé sur les réfugiés", poursuit-elle.
Un durcissement des symboles… et des actes. Symbole de cette radicalisation : une potence, brandie lors d’une manifestation et "réservée" à la chancelière Angela Merkel et à son vice-chancelier Sigmar Gabriel. L'image a suscité l'indignation en Allemagne et déclenché l'ouverture une enquête. Depuis quelques semaines, la dirigeante allemande est devenue la cible privilégiée de Pegida qui cogne avec une férocité inédite sur elle et sa politique de la main tendue aux réfugiés.
Les attaques perpétrées ces derniers mois contre les foyers de réfugiés, notamment dans l'Est du pays - en particulier près de Dresde, en Saxe, une région connue comme un fief des néonazis, inquiètent également les autorités. Elles redoutent que la radicalisation croissante de groupes comme Pegida ne débouche sur une résurgence de la violence, voire du terrorisme d'extrême droite. Cette hypothèse est jugée crédible par les renseignements allemands.
L’opportunisme autour de la crise des migrants. Pour Nele Wissmann un "déclic" a eu lieu le 4 septembre, lorsque Angela Merkel a ouvert les frontières pour laisser passer en Allemagne les migrants arrivant de Hongrie. "C'est le moment déclencheur" qui a relancé Pegida, après un essoufflement cet été, estime-t-elle. "Le sujet (des réfugiés) est partout. Pegida profite de (cette) situation et d'une certaine confusion au sein du gouvernement, où Merkel commence à être sérieusement contestée dans son propre camp" pour sa politique de la porte ouverte, poursuit la chercheuse.
L'avenir de Pegida se jouera peut-être dans les urnes : le mouvement a déjà présenté une candidate en juin dernier à Dresde (10%) et Lutz Bachmann a annoncé son intention de fonder un parti. Mais, du fait de leur histoire, "les Allemands sont vaccinés contre un mouvement comme Pegida", affirme Nele Wissmann. "Pegida, en se radicalisant, va exclure ceux qui sont opposés à la violence, et donc rester minoritaire".