Un prêtre syrien a raconté jeudi à Rome ses 84 jours aux mains de l'organisation Etat islamique (EI), constamment menacé de mort par des geôliers qui réclamaient sa conversion.
Ses geôliers lui promettaient la mort. Jacques Mourad, prêtre syro-catholique de 48 ans, a été enlevé le 21 mai avec un autre Syrien par des hommes masqués au monastère de Mar Moussa, au nord de Damas, dont le père Paolo dell'Oglio, disparu depuis juillet 2013, avait fait un lieu du dialogue entre chrétiens et musulmans. Emmené mains liées et yeux bandés, il s'est retrouvé enfermé avec son compagnon d'infortune dans une petite salle de bain. Sans cesse, ses geôliers lui promettaient la mort s'il ne se convertissait pas à l'islam, a-t-il raconté, en français, lors d'une conférence de presse. Mais pour lui, cette détention a été un "temps très intense au niveau spirituel", grâce à la prière et à l'enseignement de Charles de Foucault, cet ermite français en Algérie au début du XXe siècle, "lui aussi victime de la violence".
"Vous êtes sous ma protection". Un jour, un homme vêtu de noir, "semblable à ceux que l'on voit dans les vidéos de l'EI qui décapitent leurs prisonniers", s'est présenté à la porte. "J'ai pensé 'c'est l'heure de la fin de notre vie'". Mais pas du tout. "Vous êtes sous ma protection", a assuré l'homme au père Mourad, qui attribue cette mansuétude à la réputation d'ouverture de Mar Moussa, où chrétiens et musulmans étaient accueillis et aidés sans distinction.
Les options d'Abou Bakr al-Baghdadi. Début août, il est conduit auprès des quelque 250 chrétiens capturés par l'EI lors de la prise de sa paroisse, Al-Qaryatayn. Le chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, a plusieurs possibilités: "tuer les hommes et prendre femmes et enfants, l'esclavage, la rançon ou le 'don de la vie'". Il choisit cette dernière option, une sorte de liberté "sous conditions", en échange de la signature d'un document. Tous signent le 1er septembre et sont ramenés à Al-Qaryatayn, où ils manquent de tout: eau, électricité, vivres... Le père Mourad célèbre la messe en sous-sol "pour éviter les bombardements, quasi-quotidiens". Le 10 octobre, le prêtre et les fidèles décident de quitter la ville car "la vie sous l'autorité de l'EI est impossible pour les chrétiens". Il ne s'étend pas sur les conditions de cette fuite dramatique, qui a coûté la vie à huit membres de ce groupe comptant nombre d'enfants et personnes âgées ou handicapées.