Après quatorze mois de cohabitation, le gouvernement populiste appartient bel et bien au passé. Le Premier ministre italien Giuseppe Conte a annoncé mardi sa démission, accusant le chef de la Ligue Matteo Salvini, d'avoir été "irresponsable" en faisant éclater la coalition au pouvoir le 8 août.
"J'interromps ici cette expérience de gouvernement. J'entends conclure ce passage institutionnel de façon cohérente. J'irai voir le président de la République pour lui présenter ma démission", a déclaré Giuseppe Conte, en soulignant qu'auparavant il écouterait le débat prévu pour durer 3h45.
Un discours à charge contre Salvini
Dans un discours solennel au Sénat, Giuseppe Conte a surtout tancé son ministre de l'Intérieur, estimant qu'il n'a fait que "poursuivre ses propres intérêts et ceux de son parti" en cherchant à capitaliser sur des sondages qui les créditaient d'une ample majorité au parlement, dans le sillage de leur score record aux Européennes (34%). "Faire voter les citoyens est l'essence de la démocratie mais leur demander de voter tous les ans est irresponsable", a lancé Giuseppe Conte. "Le pays a un besoin urgent que soient adoptées des mesures pour favoriser la croissance économique et les investissements".
Dans son discours à charge, le chef du gouvernement a accusé le vice-Premier ministre d'avoir fait "courir de graves risques à notre pays" et évoqué le danger d'une spirale économique négative pour la troisième économie de la zone euro. Il a aussi tancé le chef de la Ligue (extrême droite) pour son "manque de respect des règles et des institutions", lui reprochant aussi d'avoir réclamé des élections au plus vite afin d'obtenir "les pleins pouvoirs".
Salvini réplique et s'en prend au M5S
"Cher ministre de l'Intérieur, je t'ai entendu demander les 'pleins pouvoirs' et appeler (tes partisans) à descendre dans la rue pour te soutenir ; cette attitude me préoccupe", a ajouté Giuseppe Conte. "Nous n'avons pas besoin des pleins pouvoirs mais de dirigeants ayant le sens des institutions", a-t-il encore déclaré. Arrivé à la tête du pays après une marche fasciste sur Rome, le dictateur Benito Mussolini obtint en 1922 les "pleins pouvoirs" pour diriger à sa guise l'Italie pendant toute l'année suivante.
Dans sa réplique, Matteo Salvini, invoquant "la protection du cœur immaculé de Marie", a assuré qu'il "referait exactement la même chose" et s'en est pris à ses ex-alliés du M5S. "Si ce gouvernement s'interrompt, c'est à cause de ces messieurs qui disent toujours non et bloquent tout", a-t-il dit, en accusant aussi les autres parlementaires d'"avoir peur du jugement du peuple" et de retourner au vote.
Et maintenant ?
Avec la démission de Giuseppe Conte, la balle est dans le camp du président Sergio Mattarella qui doit lancer des consultations pour explorer la possibilité d'une nouvelle majorité. Plusieurs hypothèses se dessinent: le chef de l'État pourrait demander à Giuseppe Conte de rester à la tête du pays pour piloter un gouvernement de transition. Beaucoup d'observateurs estiment que le Premier ministre, accueilli au Sénat par une banderole "Conte l'Italie t'aime", sort grandi de la crise.
Dans une lettre ouverte mardi, le chef du M5S Luigi di Maio, l'a qualifié de "serviteur de la Nation dont l'Italie ne peut pas se passer". Il pourrait mener un gouvernement "Conte bis", avancer dans l'élaboration du budget pour 2020 et éviter une hausse automatique de la TVA prévue l'an prochain si rien n'est fait avant pour combler un trou de 23 milliards dans les caisses de l'Etat. Cela donnerait le temps au Parti démocrate (centre-gauche) et au M5S de s'entendre sur un pacte pour "un gouvernement fort et de renouvellement dans son programme", selon les termes du chef du PD Nicola Zingaretti.
L'idée d'une alliance PD-M5S est venue, par surprise, de l'ancien chef de gouvernement Matteo Renzi, toujours poids lourd du PD, qui a proposé à ses anciens ennemis du M5S une réconciliation et un gouvernement "institutionnel".
Une autre piste pour Sergio Mattarella a été suggérée par l'ex-Premier ministre et ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, qui propose un gouvernement pro-européen baptisé "Ursula", du nom de la nouvelle présidente de la Commission européenne, l'Allemande Ursula von der Leyen. Romano Prodi, toujours très écouté, imagine une alliance gauche-droite pour que l'Italie revienne au premier plan en Europe.