Le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a accusé lundi la France d'avoir œuvré à la partition de son pays à travers son engagement militaire, dans une nouvelle charge virulente devant des diplomates en poste à Bamako. Il s'en est pris à la France durant plus de 45 minutes, devant les diplomates réunis à sa demande.
Le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a accusé lundi la France d'avoir œuvré à la partition de son pays à travers son engagement militaire, dans une nouvelle charge virulente devant des diplomates en poste à Bamako. Choguel Kokalla Maïga, chef du gouvernement installé par la junte arrivée au pouvoir à la faveur de deux putschs successifs en août 2020 et juin 2021, s'en est pris à la France durant plus de 45 minutes, devant les diplomates réunis à sa demande à la Primature, sans aller jusqu'à demander explicitement le retrait de la force antijihadiste Barkhane conduite par Paris.
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"Les terroristes ont eu le temps de se réfugier, et de réorganiser"
"Après (un) temps d'allégresse" en 2013 quand les soldats français ont libéré le nord du Mali tombé sous la coupe de groupes djihadistes, "l'intervention s'est muée dans un deuxième temps en une opération de partition de fait du Mali qui a (consisté dans) la sanctuarisation d'une partie de notre territoire, où les terroristes ont eu le temps de se réfugier, de se réorganiser pour revenir en force à partir de 2014", a-t-il estimé.
Dans un contexte de vives tensions entre Paris et Bamako, il a convoqué le souvenir de la Seconde Guerre mondiale : "Les Américains n'ont-ils pas libéré la France ? (...) Quand les Français ont jugé que (la présence américaine en France, ndlr) n'était plus nécessaire, ils ont dit aux Américains de partir, est-ce que les Américains se sont mis à insulter les Français ?", a-t-il dit.
Des sanctions qui ne passent pas du côté du Mali
Depuis que l'organisation des Etats ouest-africains (Cédéao) a imposé au Mali le 9 janvier des sanctions soutenues par la France et différents partenaires du pays, la junte s'arc-boute sur la souveraineté du territoire. Les autorités maliennes accusent la France, ex-puissance coloniale, d'avoir instrumentalisé la Cédéao. L'objectif est "de nous présenter comme un paria, avec l'objectif inavoué et inavouable à court terme d'asphyxier l'économie afin d'aboutir pour le compte de qui l'on sait et par procuration à la déstabilisation et au renversement des institutions de la transition", a dit Choguel Kokalla Maïga.
Les dirigeants français "n'ont jamais dit à leur opinion publique, quand ils intervenaient en 2013, qu'ils allaient diviser le Mali", a-t-il dit. "On ne peut pas nous vassaliser, on ne peut pas transformer le pays en esclave; ça, c'est terminé", a-t-il poursuivi en référence à la colonisation.
La critique d'un groupement européen d'intervention
Choguel Kokalla Maïga s'est aussi attaqué à Takuba, groupement européen de forces spéciales initié par la France et destiné à accompagner les soldats maliens au combat face aux jihadistes. Takuba, "c'est pour diviser le Mali. C'est 'le sabre', en (langue) songhai et en tamasheq, ça n'est pas un nom qui a été pris par hasard", a-t-il dit. En plus de retarder le retour des civils au pouvoir, la France et ses partenaires européens ou américains reprochent à la junte d'avoir fait appel au sulfureux groupe russe de mercenaires Wagner, ce qu'elle conteste.
Devant les diplomates, au premier rang desquels l'ambassadeur russe Igor Gromyko, Choguel Kokalla Maïga a assimilé les soldats de la Légion étrangère, corps de l'armée française, à des mercenaires. Il a évoqué le rappel en février 2020 - avant la prise du pouvoir par les colonels maliens - de l'ambassadeur malien à Paris Toumani Djimé Diallo. Celui-ci avait provoqué la colère des autorités françaises en accusant des soldats français de "débordements" dans les quartiers chauds de Bamako. Les autorités maliennes avaient rappelé le diplomate à la demande de la France "sur la base de simples déclarations (...) sur le comportement peu orthodoxe de certains légionnaires français au Mali, j'allais dire mercenaires", a déclaré Choguel Kokalla Maïga.