Jamais l'informatique et le numérique - en deux mots, le big data - n'a autant influencé une campagne que celle de l'élection américaine. Le numérique joue un rôle dans le ciblage électoral, par exemple. Il cause aussi du tort à Hillary Clinton, empêtrée dans l'affaire des emails, allant même jusqu'à rebattre les cartes à quelques jours du verdict des urnes. Benoît Thieulin, fondateur et directeur de l'agence d'innovation numérique La Netscouade et spécialiste des questions d'innovation numérique, était l'invité de l'émission C'est arrivé cette semaine. Il décrypte le poids du numérique dans cette campagne.
Le débat a d'abord lieu en ligne. On croyait l'affaire des emails enterrée, le FBI en a décide autrement. "Cela a créé une énorme polémique aux Etats-Unis" qui a entraîné son lot d'interrogations : "Est-ce que le FBI avait le droit (de rouvrir l'affaire) ? Est-ce qu'il ne fait pas ça avec des desseins politiques ?" Ce qui interpelle le plus Benoît Thieulin, "c'est comment les médias sociaux, la blogosphère, les centaines de milliers de conversation en ligne pèsent et influencent sur la campagne", telle une immense agora virtuelle, "au point de pousser les institutions à suivre et les médias à changer leur agenda".
La chronologie est inversée : le débat a d'abord lieu en ligne, et c'est ensuite que les médias traditionnels s'adaptent. Ils "étaient gênés et on peut comprendre qu'ils le soient : cela pose des questions éthiques, politiques profondes. Est-ce que, oui ou non, sur des présomptions, on doit se remettre à en parler d'une manière massive avec le risque de perturber l’élection ? Le FBI lui-même est en porte à faux."
Manipulation ? On pense aussi à Wikileaks qui joue un rôle trouble dans la campagne, en défaveur d'Hillary Clinton. Se pose alors la question de la manipulation. "L'élection américaine est devenue un peu l'élection du président du monde. Il y a 20 ans, on ne parlait pas à ce point de l'élection américaine dans le monde. C'est devenu un peu notre élection à tous. Des tas de gens veulent peser sur cette élection et le fait qu'il y ait autant de données numériques plus ou moins cachées fait que vous pouvez influencer la campagne."
Les candidats qui étaient les premiers à analyser les données sont ainsi piégés à leur propre jeu. "Ils sont rattrapés par leurs techniques avec un lot de zones grises dans lequel il y a des hackers, des activistes", souligne le spécialiste, qui se demande même si "tout cela n'est pas manipulé par des services secrets étrangers ? Aujourd'hui, c'est tout à fait possible."