Héritière du trône d'Espagne, la princesse Leonor de Bourbon jurera fidélité à la Constitution ce mardi, jour de ses 18 ans, un événement clé pour la monarchie espagnole, qui éloignera encore le souvenir de la fin de règne mouvementée de son grand-père Juan Carlos. "Le 31 octobre, j'aurai 18 ans et l'honneur de prêter serment sur la Constitution (...) Je comprends très bien et je suis consciente de ce qu'est mon devoir et de ce qu'impliquent mes responsabilités", déclarait le 20 octobre la princesse des Asturies, son titre officiel.
Un événement qui "assure la continuité à la Couronne"
Dès cette prestation de serment, l'héritière de la Couronne espagnole sera constitutionnellement en capacité de succéder à son père, le roi Felipe VI, à la tête de l'État et des forces armées. La cérémonie, qui sera retransmise sur des écrans géants dans le centre de Madrid, débutera à 11 heures devant les deux chambres du Parlement réunies en session extraordinaire, en présence des principaux représentants de l'État.
En Espagne, il est de coutume que ce soit l'aîné des garçons du monarque qui hérite du pouvoir, c'est ce que l'on appelle la primogéniture masculine. Mais Felipe VI n'ayant eu que des filles avec la reine Letizia (Leonor et Sofia), elle deviendrait la première femme cheffe de l'État espagnol et des armées de plein droit depuis Isabelle II, qui avait régné de 1833 à 1868.
Un rite de passage préparé de longue date qu'ont également connu en 1969 son grand-père Juan Carlos Ier, désigné comme son successeur par le dictateur Francisco Franco, qui devait décéder six ans plus tard, puis en 1986 par son père Felipe VI. Pour le journaliste José Antonio Zarzalejos, ancien rédacteur en chef des quotidiens El Correo et ABC et auteur d'un livre sur Felipe VI, l'événement "est très important, car il offre stabilité et continuité à la Couronne" d'Espagne, ébranlée par la fin du règne de Juan Carlos.
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Le roi émérite, Juan Carlos, n'assistera pas à la cérémonie
Longtemps très apprécié en Espagne pour avoir permis la transition démocratique à partir de 1975, Juan Carlos a vu sa cote de popularité plonger après des révélations embarrassantes sur l'origine douteuse de sa fortune, ses liaisons extraconjugales et son train de vie fastueux. Les scandales l'ont contraint à abdiquer en 2014 et à s'exiler aux Émirats arabes unis en 2020. Les enquêtes judiciaires le visant ont certes été classées depuis, mais pas parce que son innocence a été établie, plutôt pour des raisons de prescription ou parce qu'il bénéficiait d'une immunité jusqu'en 2014 en tant que chef de l'État.
Depuis son départ dans le Golfe, il n'est plus revenu en Espagne que pour de rares visites privées. Aujourd'hui âgé de 85 ans et physiquement diminué, l'ancien souverain a été un "roi exceptionnel, le roi fondateur" de la démocratie espagnole, mais son règne "s'est mal terminé à cause d'une double pulsion pour le sexe et l'argent", résume José Antonio Zarzalejos. Il estime que son fils Felipe VI "a rétabli la réputation de la monarchie" et que Leonor va permettre de renforcer cette dynamique. D'autant que la princesse, en tant que femme, est "en phase" avec la société, explique-t-il.
Signe de la rupture avec le passé, Juan Carlos n'assistera pas à la prestation de serment au Parlement. Selon la presse espagnole, il serait, en revanche, présent à la célébration privée qui suivra la cérémonie. Les représentants des partis indépendantistes basques, catalans et galiciens, d'obédience républicaine et qui n'assistent jamais aux réunions avec le roi, et une partie de la gauche radicale, hostile à la monarchie, boycotteront la cérémonie.
Samedi, une convention de républicains réunie à Madrid a décrit la prestation de serment de Leonor comme "un acte d'affirmation d'une institution, la monarchie espagnole, (qui est) historiquement corrompue et toujours plus éloignée des citoyens".
Elle n'a pas de casseroles, un profil "normal" centré sur sa famille et ses études
Contrairement à son grand-père, Leonor bénéficie cependant d'une très bonne image dans un pays où le débat sur la monarchie est permanent. "Elle n'a pas de casseroles, pas d'histoires" et a un profil "normal", centré sur sa famille et ses études, souligne José Antonio Zarzalejos. Leonor, qui parle aussi français, anglais et catalan et apprend le basque et le galicien, a effectué sa scolarité dans une école privée de Madrid, le "Colegio Santa María de los Rosales", avant de partir en internat à l'UWC Atlantic College, au Pays de Galles, où elle a passé son baccalauréat.
Comme le veut la tradition, elle a commencé en août une formation militaire d'un an à l'Académie de l'armée de terre, qu'elle poursuivra par une année d'instruction dans l'Armée de l'air et une autre dans la Marine. Si elle suit les traces de son père, elle étudiera ensuite dans une université publique en Espagne, avant d'intégrer une prestigieuse université étrangère pour obtenir un master en relations internationales. Dans le cas de Felipe VI, il s'agissait de l'université de Georgetown, à Washington.