Quelque 5,6 millions de Londoniens se rendent aux urnes, jeudi, pour élire celui qui succédera au conservateur Boris Johnson à la mairie de leur ville. Le scrutin oppose le travailliste Sadiq Khan, ultra-favori, au fils de milliardaire Zac Goldsmith, conservateur. Invitée d'Europe 1, Anne-Elisabeth Moutet, éditorialiste pour le Daily Telegraph, a décrypté les enjeux de cette élection.
L’élection est-elle jouée d'avance ?
"Sadiq Khan est absolument favori", extime Anne-Elisabeth Moutet. "Les sondages donnent un écart de 20 points entre les deux candidats. Il est possible qu'il se réduise un peu, mais ça serait vraiment étonnant que Zac Goldsmith gagne", poursuit l'éditorialiste.
Né à Londres, Sadiq Khan est un avocat, fils de chauffeur d'autobus d'origine pakistanaise. "C'est un londonien pur jus", commente Anne-Elisabeth Moutet. Pour elle, le candidat est aujourd'hui "le seul homme qui va apporter une victoire au Labour de Jeremy Corbyn." En Ecosse et au Pays de Galles, le parti travailliste est en effet donné perdant par les sondages. L'éditorialiste souligne enfin que Sadiq Khan avait fait la campagne d'Ed Miliband face à Jeremy Corbyn, l'actuel chef de file du parti, qu'il juge "trop à gauche".
La religion de Sadiq Khan influera-t-elle sur le scrutin ?
"On insiste plus sur sa religion à l'extérieur de l'Angleterre qu'en Angleterre", juge Anne-Elisabeth Moutet. "Il était ministre du gouvernement de Gordon Brown, ça n'a dérangé personne." La campagne a pourtant fait émerger un débat sur les fréquentations du candidat travailliste, qui s'est affiché à plusieurs reprises aux côtés d'islamistes présentés comme radicaux. "Il y a quelques années il s'est trouvé sur des estrades avec des gens peu recommandables", reconnaît l'éditorialiste.
Mais le candidat "s'est élevé contre leurs propos", estime Anne-Elisabeth Moutet. "On ne peut pas le soupçonner d'être extrémiste", assure-t-elle. "Mais on peut dire qu'il a vécu dans des milieux extrémistes et dans des circonscriptions de Grande-Bretagne où, si on ne dit pas des choses qui tombent sous le coup de la loi Gayssot (loi qui réprime les actes et propos racistes en France, ndlr), on n'est pas élu", détaille-t-elle.
Que manque-t-il à Zac Goldsmith ?
"La comparaison la plus simple pour parler de lui, c'est de dire que c'est Nathalie Kosciusko-Morizet", sourit Anne-Elisabeth Moutet. "C'est quelqu'un d'intelligent, de joli à regarder, de très élégant, extrêmement chic… et une erreur totale de casting en ce qui concerne la mairie de Londres", juge-t-elle. Actif dans les milieux écologistes depuis des années, Zac Goldsmith n'est "pas fait pour Londres", selon l'éditorialiste. "Il a des convictions mais il ne sait pas faire campagne."
La ville de Londres compte 75 députés travaillistes, contre 45 conservateurs. "Boris Johnson a réussi à la vaincre avec ce qu'on a appelé le système du beignet, avec un trou au milieu et un cercle autour", explique Anne-Elisabeth Moutet. Le maire de Londres est en effet élu par toute l'agglomération de la ville : "Si c'était Paris, ce serait Paris et toute la région parisienne", précise l'éditorialiste. "Boris a réussi à faire voter les circonscriptions de la périphérie contre le centre." "Un miracle non renouvelable", d'après elle. "Les travaillistes ont cru que les bobos du centre ville voteraient vert, mais c'est une illusion."
Quels sont les pouvoirs du maire de Londres ?
"Il a beaucoup moins de pouvoir que le maire de Paris", estime Anne-Elisabeth Moutet. "Et ses attributions sont très différentes", poursuit-elle. "Les deux choses les plus importantes, ce sont les transports et les pouvoirs de police, qui ne sont pas gérés par le maire en France."
Ces deux compétences mises à part, le maire de Londres dispose "d'un budget nettement inférieur à celui du maire de Paris", explique Anne-Elisabeth Moutet. "Il est très visible, mais pas très puissant".
Quelles conséquences aura cette élection ?
La victoire annoncée à Londres va contrebalancer la défaite probable du parti travailliste aux autres élections régionales, estime l'éditorialiste du Daily Telegraph. "Cela va permettre à Jeremy Corbyn de rester à la tête du parti travailliste. Et c'est l'adversaire rêvé pour David Cameron et surtout pour Boris Johnson, qui veut devenir Premier ministre", analyse-t-elle. "Johnson ne se représente pas parce que c'est ça, son ambition", assure Anne-Elisabeth Moutet, pour qui Jeremy Corbyn est "beaucoup trop gauchiste pour ne pas être battu dans une élection nationale."
Concernant le référendum sur le Brexit, Sadiq Khan milite pour le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Zac Goldsmith défend la position inverse, "par tradition familiale", note Anne-Elisabeth Moutet. Le candidat est en effet le fils du milliardaire franco-britannique Jimmy Goldsmith, fondateur d'un parti indépendantiste en Grande-Bretagne dans les années 80.