C'est une question qui revient dans l'actualité à l'heure des commémorations d'un passé qui semble aujourd'hui lointain. 75 ans après le débarquement allié, dont les célébrations ont lieu depuis mercredi, les États-Unis interviendraient-ils aujourd'hui, si l'Europe était confrontée à un péril imminent ? Hubert Vedrine a répondu à cette interrogation, jeudi soir sur Europe 1.
"Raffarin a raison de poser la question" de l'intervention américaine
L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui était à Matignon lorsque la France s'est opposée en 2003 à l'intervention américaine en Irak, une date majeure dans la relation entre les deux pays, s'est posé la question, jeudi. "Aujourd'hui, s'il y avait besoin de l'Amérique, je ne suis pas sûr qu'elle serait au rendez-vous", a affirmé l'ancien Premier ministre sur Cnews.
"Jean-Pierre Raffarin a raison de poser cette question, qui se pose des deux côtés : est-ce que les Américains ont encore besoin et veulent toujours un traité d'alliance comme cela ?", reformule sur notre antenne l'ancien ministre des Affaires étrangères et ancien secrétaire général de l'Élysée, Hubert Védrine.
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Les États-Unis, hors de l'Otan ? Non, répond Védrine
"S'il pose la question, ça veut dire qu'il intègre le fait qu'on n'est toujours pas capables de nous défendre par nous-mêmes. Aujourd'hui, les Européens peuvent mener des actions utiles ailleurs, mais 70% des dépenses de l'Alliance atlantique (l'Otan) sont couvertes par les États-Unis", rappelle l'auteur de Face au chaos, Sauver l’Europe (éd. Liana Lévi), à l'heure où les sujets de division se multiplient entre les deux puissances (climat, Iran…).
L'Otan peut-elle un jour mourir face à ces dissensions de plus en plus criantes des deux côtés de l'Atlantique ? "Donald Trump, qui est un égoïste brutal mais pas un isolationniste, n'ira pas jusqu'à dénoncer le traité", tempère Hubert Védrine. "Il peut maintenir le doute, il peut taper sur la tête des Européens s'ils ne dépensent pas assez, parce qu'il veut plus de budget pour que les Européens achètent de l'armement américain", estime-t-il cependant.
"Pas de déclic" en Europe
En Europe, selon l'ancien ministre, domine le sentiment que la construction d'une défense européenne digne de ce nom n'est pas urgente. "La brutalité de Trump, l'incertitude qu'il fait régner sur le fameux article 5 de l'alliance, n'a pas produit une réaction européenne massive. Emmanuel Macron et Angela Merkel ont dit des choses, mais il n'y a pas eu un déclic dans l'ensemble de l'Europe pour se dire que le moment est venu, à cause de cette incertitude, de nous organiser pour faire enfin le pilier européen de l'alliance."