Les Suisses ont voté non à l'initiative de l'UDC, le parti de droite anti-immigration. Selon les estimations à la clôture des bureaux de vote, les électeurs ont décidé à 59% de s'opposer à l'expulsion automatique des criminels étrangers. En 2010, les Suisses avaient accepté, à 52,9%, une initiative de l'Union démocratique du centre, le premier parti suisse, demandant le renvoi des criminels étrangers. Mais le Parlement avait ensuite ajouté une clause, permettant aux juges d'éviter l'expulsion automatique des condamnés dans certains cas.
Cette fois, les Helvètes étaient consultés sur une initiative beaucoup plus dure réclamant "le renvoi effectif des criminels étrangers". Cette initiative de "mise en oeuvre" de l'automaticité élargissait la liste des motifs d'infraction entraînant l'expulsion. Elle demandait le renvoi automatique de tout étranger ayant déjà été condamné au cours des 10 dernières années, qui serait reconnu coupable d'avoir commis des infractions mineures comme des "lésions corporelles simples" ou d'avoir participé à une rixe.
"Déception" pour l'UDC. Le gouvernement et le Parlement avaient jugé la proposition de l'UDC contraire aux "règles fondamentales" de la démocratie. Aucun autre parti national ne soutenait non plus l'initiative. D'après l'Office fédéral de la statistique, la révision du code pénal adoptée l'an dernier par le Parlement aurait pu conduire en 2014 à l'expulsion de près de 3.900 personnes, contre 500 en moyenne. Avec l'initiative de l'UDC, ce chiffre aurait bondi à 10.200. "C'est une déception, une déception pour les victimes", a déclaré la députée UDC Céline Amaudruz, à la télévision suisse. Elle a souligné que son parti prenait acte de la décision des citoyens mais qu'il n'allait pas en rester là. L'UDC va "s'assurer que cette marge d'appréciation, qui est laissée aux juges, soit appliquée de manière exceptionnelle et non constante", a-t-elle assuré.
Ce refus net des Suisses marque un coup d'arrêt pour l'UDC qui a fait ces dernières années de l'immigration son sujet phare. Le parti, connu pour ses campagnes contre l'immigration et l'Union européenne, a notamment bousculé le jeu politique en Suisse ces dernières années avec notamment des campagnes réussies pour interdire la construction de minarets et contre ce qu'elle a appelé "l'immigration de masse".
Une campagne virulente. Cette fois, les "excès" de l'initiative avaient été vivement dénoncés par les opposants à l'initiative. Ils avaient mené une campagne virulente ces dernières semaines, en publiant notamment dans les gares une affiche polémique, représentant l'emblème suisse de la croix blanche sur fond rouge transformée en croix gammée et comparant la date du 28 février à celles de la nomination de Hitler comme chancelier allemand en 1933 et de l'introduction de l'apartheid en Afrique du Sud en 1948. D'après les premières estimations, le taux de participation a été plus élevé que la moyenne habituellement enregistrée en Suisse (un peu plus de 40%), preuve que le sujet a suscité beaucoup d'intérêt.
Fait rare, des files se sont formées dimanche matin devant les bureaux de vote dans plusieurs villes suisses, comme Lausanne, Berne et Bienne. Il y a trois mois, les premiers sondages avaient pourtant donné le camp du oui gagnant, mais le dernier sondage publié deux semaines avant le vote laissaient présager un résultat très serré, avec un léger avantage pour les opposants, à 49%. "Le capital de soutien pour l'initiative s'est érodé. Ce n'est pas habituel", a souligné le politologue Pascal Sciarini, à la Télévision suisse.