Coincé entre la Croatie et la Serbie, un territoire de 7km² n'est revendiqué par aucun État souverain. Des adeptes de l'idéologie libertaire y ont donc trouvé un point de chute et fondé le Liberland, une république auto-proclamée en 2015, fondée sur les cryptomonnaies et le bannissement de toute entrave à la liberté.
C'est une rareté géographique, suffisamment rare pour être soulignée. Sur les bords du Danube, niché entre Croatie et Serbie , un petit territoire de 7km² n'est revendiqué par... personne. Les deux pays des Balkans ne veulent exercer aucune souveraineté sur cette bande de terre en raison du conflit frontalier qui les oppose depuis la première guerre de Yougoslavie en 1991. Du point de vue serbe, la frontière avec son voisin étant établie au milieu du Danube , cette terre est automatiquement croate, tandis que, selon Zagreb, ces 7km² font partie de ces zones, situées sur la rive droite du Danube, qui appartiennent à la Serbie.
Un contentieux né d'une modification du cours du Danube provoquée par des travaux hydraulique au début des années 1990. Pour la Croatie, la frontière avec son voisin serbe doit suivre l'ancien talweg du fleuve tandis que Belgrade estime le contraire. De quoi créer une terra nullius ou "no man's land", dans lequel s'est engouffré le Liberland. Une micro-nation auto-proclamée en 2015 qui prône le libertarisme , une idéologie politico-économique qui bannit toute entrave à la liberté individuelle des individus.
Quels principes idéologiques ?
Aux origines de cette création, Vít Jedlička, un économiste tchèque et désormais président que cette minuscule bande de terre. "J’ai créé ce pays parce que les 70% d'impôts que nous payons en Europe et les 600.000 pages de règlements que nous suivons dans l'Union européenne, c'est tout simplement trop", explique l'intéressé auprès de BFMTV . Dans une brochure disponible sur le site internet du Liberland, son fondateur parle d'un nouvel État, affranchi de fiscalité, dans lequel "les gens honnêtes peuvent prospérer sans être oppressés par les gouvernements" et ajoute que cette micro-nation "peut servir de bon exemple pour les autres pays".
Le Liberland s'est même doté d'une constitution et d'un gouvernement composé d'un vice-président, d'un Premier ministre, d'un secrétaire d'État et de trois ministres en charge des finances, des affaires étrangères et de la justice. Il prétend disposer d'au moins 100 bureaux de représentation dans le monde entier et se vante d'avoir organisé des réunions avec "de hauts responsables de gouvernements étrangers, notamment ceux des États-Unis d'Amérique et de plusieurs gouvernements d'Europe, d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine".
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Le pays base son idéologie sur une série de convictions majeures : "Le respect des droits d'autrui, indépendamment de leur race, de leur ethnie, de leur orientation ou de leur religion. Le respect de la propriété privée d'autrui, qui est intouchable", la croyance en une "société libre et ouverte", le rejet de "toute forme de totalitarisme" et l'"opposition à l'usage de la force ou de la violence à l'encontre d'autrui".
Quelle monnaie utilise-t-on au Liberland ?
Pour l'heure, le Liberland accueille une dizaine de colons, mais selon Vít Jedlička, 750.000 personnes auraient demandé la citoyenneté. Dans un article paru en mars 2020, l'hebdomadaire Le Point pointait d'ailleurs les inquiétudes des autorités françaises face à un possible cas de commerce de passeports diplomatiques . Sur le site officiel du Liberland, il est indiqué que des "certificats de citoyenneté" sont distribués aux personnes "qui ont consacré leur travail au développement du Liberland ou qui ont effectué un don financier". Ce dernier s'élève à "5.000 Liberland merits", la cryptomonnaie officielle du pays. Au Liberland, les transactions peuvent également s'effectuer en "dollar du Liberland", l'autre devise, disponible sur des plateformes de cryptomonnaie.
Mais pour le moment, peu d'infrastructures ont vu le jour et la vie sur place semble se résumer à "des lits de camp et des tentes", selon Renaud Lifchitz, directeur scientifique de Holiseum, cabinet de conseil en cybersécurité, interrogé par BFMTV. Néanmoins, Vít Jedlička voit grand. Le Liberland s'est attaché les services de Daniela Ghertovici, conceptrice architecturale basée à Chicago, dont la mission est d'imaginer "un modèle d'architecture et d'urbanisme, source d'inspiration pour les villes du futur". Le tout sur un territoire sept fois plus petit que la ville de Brest.