Deux jours de deuil national, des déclarations du secrétaire général de l'ONU Ban-Ki-Moon lui-même et une tension diplomatique ravivée dans la région. La Macédoine, discret petit pays de l'ex-Yougoslavie, fait parler de lui depuis plusieurs jours. Et pour cause, Kumanovo, une ville du nord du pays, se retrouve au centre des tensions ethniques qui opposent d'un côté la majorité macédonienne orthodoxe de la population et de l'autre la minorité musulmane albanaise. De quoi raviver le souvenir d'une histoire récente aussi douloureuse que sanglante, sur laquelle il est essentiel de revenir pour bien comprendre ce qu'il se passe en ce moment dans ce tout petit pays de 2,1 millions d'habitants.
• Le film des faits
Samedi, le gouvernement macédonien annonce qu'un "groupe armé venu d'un pays voisin" s'est introduit sur le sol national, y perpétrant des "actes de terrorisme". Concrètement, de violents affrontements éclatent entre les forces de sécurité et ces miliciens. 22 morts et plusieurs blessés plus loin, les autorités macédoniennes arrêtent 30 combattants, tous sous le coup d'un mandat d'arrêt international, qui sont rapidement inculpés de "terrorisme" par le parquet macédonien.
Dix-huit d'entre eux ont la nationalité kosovarde, un indice qui confirme la piste avancée dans les médias locaux : la minorité albanaise, répartie un peu partout dans la région (en Albanie bien sûr, mais aussi en Macédoine et au Kosovo), veut reprendre les armes contre le pouvoir en place. Une piste rendue plus crédible encore par une incursion survenue le 21 avril dernier : à l'époque, des albanophones du Kosovo s'étaient emparés d'un commissariat macédonien près de la frontière nord.
• Le contexte
Car 24 ans après son indépendance, tout le monde n'a pas accepté l'existence de la Macédoine. Ce pays est l'un des plus petits fragments de la mosaïque ethnique de l'ex-Yougoslavie. L'un des plus méconnus aussi, ce qui explique le flou qui entoure aujourd'hui les tristes événements qui agitent les alentours de Skopje, la capitale. Depuis sa création, l'Etat macédonien ne fait pas l'unanimité : s'il est soutenu par la majorité macédonienne, la minorité albanaise, qui représente un quart de la population environ, conteste sa légitimité.
Appuyée par les albanophones de la région, habitant notamment au Kosovo, ils avaient constitué en 2001 une armée de libération nationale, qui avait alors combattu l'armée macédonienne pour obtenir plus de reconnaissance pour les Albanais de Macédoine. Après six mois d'affrontements, le conflit s'était achevé sur les accords d'Ohrid, qui permettaient notamment aux habitants des régions à forte présence albanaise de consacrer l'Albanais comme seconde langue officielle. Mais une partie de la minorité ne se contente visiblement pas de ces concessions et rêve d'une "Grande Albanie", qui annexerait tous les territoires où vivent des albanophones, au Kosovo, en Serbie, au Monténégro, et bien sûr, en Macédoine.
>> Réécoutez l'interview de Laurent Geslin, rédacteur en chef du "Courrier des Balkans" :