Anglea Merkel était à Paris vendredi, deux jours après avoir une nouvelle fois prêté serment à la suite de sa réélection. La journaliste Marion Van Renterghem, grand reporter à Vanity Fair, qui a écrit une biographie sur chancelière allemande*, était l'invitée de l'émission C'est arrivé cette semaine. Pour Europe 1, elle analyse cette visite, que beaucoup souhaitent voir comme le début d'une relance de l'Europe.
Un nouveau souffle. Emmanuel Macron avait très tôt affiché ses ambitions européennes. "Il avait mis la barre très haut lors de son discours à la Sorbonne, mais déjà lors de sa campagne électorale. C'est le premier président français qui a remporté une élection sur un programme européen, en s'opposant délibérément aux souverainistes, qui se fait investir sur l'hymne européen." Ensemble, président de la République et chancelière ont d'ores et déjà "posé une feuille de route avec des points importants, comme la convergence fiscale, l'immigration, la défense", énumère la journaliste.
Pour elle, le couple franco-allemand - auquel on ne croyait plus depuis Kohl-Mitterrand et qui faisait "bailler tout le monde" - retrouve un nouveau souffle. "Pour la première fois, quelque chose se passe, quelque chose peut être relancé en Europe."
Une dynamique insufflée par Macron. Le moteur de ce dynamisme pourrait bien se chercher du côté français. Macron a renversé la donne : "L'Allemagne a passé son temps à attendre la France. Là, c'est la France qui a attendu l'Allemagne et que son gouvernement se constitue. Macron, qu'on aime ou pas, est un réformateur et c'est ce que l'Allemagne attend depuis toujours." Angela Merkel, elle, garde "un petit coté inamovible, dinosaure. Elle en est à son 4eme président de la République française. Macron, c'est une sorte de révélation, de coup de foudre, d'amour", estime la journaliste après que la chancelière a vu passer un Chirac quand elle débutait, un Sarkozy qu'elle trouvait trop agité et un Hollande trop illisible.
Des ressemblances. Elle voit à présent un certain équilibre dans ce couple, qui a selon elle des ressemblances. "Ce sont deux centristes, chacun à leur manière : Merkel parce qu'elle est pour la première fois à la tête d'une grande coalition et Macron est le premier qui s'est fait élire sur le 'en même temps' droite et gauche." Pour la chancelière, la journaliste loue bien plus sa qualité de synthèse, qui permet de lier des personnes qui à l'origine ne s'entendent pas, d'arriver à des compromis, plutôt qu'une vision et une ambition.
Des divergences mais un monde qui les réunit. Mais c'est là, aussi que se situe le bémol pour Marion Van Renterghem. "Merkel n'est pas une grande européenne, pas une visionnaire. C'est aussi dû à la Constitution allemande, mais elle a contribué à endommager l'image de l'Europe auprès des Grecs, des Italiens parce qu'elle est toujours en retrait quand il s'agit de solidarité, de prêt financier." C'est ce qui peut freiner selon elle l'avancée en duo. Un autre point de divergence existe : "Macron est obsédé dans un monde multipolaire par l'idée d'une entité politique européenne forte, l'Allemagne a une autre logique." Reste que le contexte mondial avec des points de friction autour de Trump, Poutine, la Corée du Nord, le djihadisme et l'immigration créent la "nécessité du couple franco-allemand. Le monde est menaçant et l'Europe a besoin d'être forte et ils le savent."
* Angela Merkel, l'ovni politique, aux éditons Arenes