La grogne ne faiblit pas au Maroc. Des milliers de manifestants se sont de nouveau rassemblés vendredi à Al-Hoceima, dans le nord du pays, afin d'exiger justice pour un vendeur de poisson écrasé par une benne à ordure la semaine dernière, une mort qui a choqué le pays. "Mouhcine nous ne t'abandonnerons pas !", scandait notamment la foule, rassemblée sur la grande Place des martyrs d'Al-Hoceima, ville côtière de la région du Rif, selon des images diffusées en direct sur les réseaux sociaux. Les manifestants brandissaient des portraits de la victime Mouhcine Fikri, des drapeaux berbères et de la République du Rif (république éphémère créée dans les années 1920 lors de la révolte contre le colonisateur espagnol). Un média local a évoqué "une marée humaine".
Une manifestation similaire avait lieu dans la ville de Nador, également dans la région du Rif, toujours selon les réseaux sociaux. Ces rassemblements se déroulaient sans incident. Mouhcine Fikri, âgé d'une trentaine d'années, a été écrasé il y a une semaine dans une benne à ordures à Al-Hoceima. Il tentait alors de s'opposer à la destruction de sa marchandise, de l'espadon, une espèce interdite à la pêche à cette époque. Les circonstances atroces de sa mort ont provoqué une vague de manifestations populaires à Al-Hoceima, et des rassemblements de moindre ampleur dans d'autres grandes villes.
11 personnes interpellées. Le roi Mohammed VI avait très vite ordonné une enquête "minutieuse et approfondie" sur le drame. Onze personnes - dont des responsables de l'administration des pêches, des services vétérinaires et des cadres du ministère de l'Intérieur - soupçonnées notamment "d'homicide involontaire" ont été présentées à un juge d'instruction, et huit d'entre elles incarcérées. Mais les responsabilités exactes, en particulier l'identité de celui qui a mis en marche le mécanisme de compactage, restent encore à établir.
Un "système corrompu". "L'affaire Mouhcine ne concerne pas que la ville. Elle concerne tous les Marocains qui souffrent de l'oppression", a lancé au micro devant la foule une manifestante, Nezah. "On est venu pour protester contre cet arbitraire, contre le système corrompu dans les institutions et les lobbys instances élues qui ne font que défendre leurs intérêts, le citoyen est leur dernier souci", a encore dénoncé cette femme. Beaucoup de manifestants dénoncent la "hogra" du système, un terme désignant l'arbitraire et le mépris affichés selon eux par les autorités.