Garde tes amis proches et tes ennemis plus proches encore. La devise de Michael Corleone dans le deuxième volet du Parrain pourrait aussi être celle d'Angela Merkel. La chancelière allemande a en effet décidé de nommer ministre son principal opposant au sein de son parti conservateur dans son prochain gouvernement.
Partisan d'un virage à droite. Jens Spahn, 37 ans, est le chef de file des partisans d'un virage à droite des démocrates-chrétiens de la CDU. Il conteste donc le cap politique centriste d'Angela Merkel sur certains sujets, notamment la politique migratoire ouverte. Et devrait atterrir au ministère de la Santé. Selon les quotidiens Bild et Süddeutsche Zeitung, ainsi que l'agence de presse allemande DPA, la chancelière devrait l'annoncer dimanche soir, à l'issue d'une réunion des instances dirigeantes de son parti.
Jens Spahn était "seulement" secrétaire d'Etat aux Finances dans le gouvernement sortant. En lui faisant prendre du galon, Angela Merkel espère calmer une fronde croissante de l'aile droite de la CDU, opposée à sa stratégie, qui consiste à remettre le parti au centre de l'échiquier politique. Jens Spahn et ses soutiens sont en effet plus favorable à une ligne conservatrice pour récupérer des électeurs partis vers l'Afd, le parti d'extrême droite allemand.
D'une pierre deux coups. En offrant un gros ministère à son principal opposant en interne, Angela Merkel "a résolu deux problèmes", analyse Bild. "Spahn est casé avec un portefeuille de premier choix et l'aile droite ne peut plus prétendre que son porte-drapeau est laissé les mains vides" d'une part. D'autre part, la chancelière peut espérer neutraliser son rival, qui sera tenu par le devoir de réserve et la loyauté exigée des ministres du gouvernement.
Les cinq autres ministres CDU qu'Angela Merkel compte nommer lui sont tous fidèles. Ursula von der Leyen est ainsi appelée à conserver le portefeuille de la Défense, tandis que Peter Altmeier, longtemps bras droit d'Angela Merkel à la chancellerie et actuellement ministre des Finances par intérim, deviendra ministre de l'Economie, selon les médias allemands. Une autre proche de la chancelière, Julia Klöckner, doit hériter du ministère de l'Agriculture. Elle constitue un pont avec l'aile droite du parti pour avoir défendu la fermeté en matière d'immigration.
Les conservateurs ont dû pour le reste céder de nombreux ministères aux sociaux-démocrates, à commencer par les deux plus prestigieux - Finances et Affaires étrangères - pour convaincre le SPD de gouverner avec eux. Cette alliance, la seule permettant de former une majorité à la chambre des députés suite aux législatives, doit encore être approuvée par les militants du SPD qui votent par référendum interne jusqu'à début mars. La CDU doit elle la valider lundi, ce qui, compte tenu du geste effectué par la chancelière à l'adresse de ses critiques en interne, apparaît désormais comme une formalité.