À quoi va ressembler le Parlement américain après les midterms du 6 novembre ? C'est la question que se posent tous les sondeurs, tous les politiques, mais aussi bon nombre de citoyens outre-Atlantique. Faut-il s'attendre à ce qu'une "vague bleue" submerge la Chambre des représentants et le Congrès, retirant à Donald Trump la majorité républicaine dont il dispose aujourd'hui ? Ou bien la "digue rouge" va-t-elle tenir ? À cinq jours de l'échéance, le scénario le plus probable reste celui d'un entre-deux, où les Démocrates obtiendraient bien la majorité des députés, tandis que les Républicains conserveraient leur avance au Sénat.
Une élection souvent défavorable au parti présidentiel
Si les Démocrates espèrent tant une "vague bleue", c'est parce que les élections de mi-mandat sont traditionnellement défavorables au parti en place. En 2014, Barack Obama a dû gérer le basculement du Congrès, après avoir perdu la Chambre des Représentants dès 2010. Avant lui, George W. Bush a eu le même problème en 2006. Quant à Bill Clinton, il a dû s'accommoder d'une majorité républicaine dans les deux chambres en 1994 comme en 1998. NBC s'est lancé dans un jeu de statistique parlant : "depuis la guerre de Sécession, le parti présidentiel a perdu en moyenne 32 sièges dans la Chambre et deux au Sénat lors de chaque midterm." Bref, ce scrutin de mi-mandat est la première occasion, pour les électeurs, de sanctionner un président au pouvoir. Et souvent, ils en profitent.
Ils pourraient d'autant plus en profiter cette année que les sondages d'opinion sont peu favorables au président. "Le taux d'approbation de Donald Trump est de 42-43%", note sur Twitter Nate Silver, statisticien américain réputé et fondateur du site FiveThirtyEight qui compile et analyse tous les sondages sur les élections américaines. "Ce n'est pas horrible, mais c'est mauvais." C'est moins bien, en tout cas, que Barack Obama, George W. Bush ou Bill Clinton après deux ans de mandat.
Trump's approval rating is current 42-43% (per 538). That's not *awful*, but it's *bad*. It comes despite an economy that voters feel very good about. It seems to go higher when Trump is relatively removed from the scene (e.g. during Kavanaugh), not when he's Trump Being Trump.
— Nate Silver (@NateSilver538) 29 octobre 2018
Les Démocrates ont de bonnes chances à la Chambre des Représentants
Actuellement, les Républicains ont la main au Sénat comme à la Chambre des Représentants. Dans le premier cas, c'est une courte majorité (51 sièges contre 49). Dans l'autre, elle est plus confortable (236 contre 193, plus six sièges vacants). Les midterms doivent permettre de renouveler l'intégralité de la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat.
Les meilleures chances des Démocrates sont à la Chambre des Représentants, car l'arithmétique électorale leur est favorable. En effet, c'est dans cette chambre que les Républicains sont les plus fragilisés. Une quarantaine d'entre eux rendent leur siège sans se présenter à leur propre réélection, ce qui est toujours un signal négatif auprès des électeurs. Ce n'est le cas que de trois candidats démocrates.
Il leur suffit de gagner 24 sièges pour renverser la tendance. Ce qui s'est déjà vu : en 2010, les Républicains ont fait mieux que ça pour les premières élections de mi-mandat de Barack Obama. Et en 2006, c'est en prenant 31 sièges que les Démocrates ont pris le contrôle de la Chambre des représentants, privant George W. Bush de majorité. Avec ses outils de projection sur son site FiveThirtyEight, Nate Silver donne aux Démocrates six chances sur sept de récupérer la majorité à la Chambre des représentants.
Pas de "vague bleue" à attendre au Sénat
Au Sénat en revanche, cela va être compliqué pour le parti démocrate car seulement un tiers des sièges est renouvelé. Or, sur les 35 postes remis en jeu, 26 sont détenus par des Démocrates. Et 10 d'entre eux se trouvent dans des États majoritairement favorables à Donald Trump en 2016. Pour gagner la majorité, il faudrait donc que les Démocrates conservent leurs 26 sièges et en gagnent deux de plus. Difficile, pour ne pas dire impossible. Nate Silver n'estime qu'à une sur six la probabilité que le Sénat se colore de bleu.
" Non seulement les Démocrates ne vont pas gagner le Sénat, mais ils pourraient même perdre trois ou quatre sièges. "
Jean-Éric Branaa, chercheur à l'IRIS et maître de conférence à Paris 2, ne "croit pas un instant" à une "vague bleue" qui emporterait jusqu'à la chambre haute. "Mes projections indiquent que non seulement les Démocrates ne vont pas gagner le Sénat, mais ils pourraient même perdre trois ou quatre sièges", explique le spécialiste à Europe 1. "Donald Trump va donc augmenter son avance."
Une inconnue : la participation
La grande inconnue du scrutin, qui pourrait bien faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, est celle de la participation. Traditionnellement, les midterms n'arrivent pas à convaincre les Américains de se déplacer pour voter. La dernière fois, en 2014, seuls 36,4% des électeurs ont fait entendre leur voix. Tout l'enjeu, pour chaque parti, est donc d'arriver à mobiliser son électorat.
Or, de ce point de vue, les enquêtes d'opinion donnent plutôt l'avantage aux bleus face aux rouges. Un sondage Morning Consult et Politico mené mi-octobre montrait que 76% des sympathisants démocrates étaient enthousiastes à l'idée de voter, contre 68% des Républicains. Reste à savoir si cela sera suffisant pour prendre une revanche que tous les Démocrates espèrent sur 2016.