Si le président américain a perdu la Chambre des représentants et devra cohabiter avec les Démocrates, son implication a permis aux Républicains d'éviter une vague bleue.
Donald Trump a-t-il vraiment perdu les Midterms, les élections législatives américaines de mi-mandat ? Plutôt oui, si on se fie aux seuls résultats. Les Démocrates ont en effet reconquis la majorité à la Chambre des représentants et pourront désormais bloquer les réformes du président. Mais la "vague bleue" n’a pas non plus submergé le Congrès puisque les Républicains conservent le Sénat et y renforcent même leur majorité. Une bonne nouvelle pour Donald Trump, d’autant plus qu’aucun véritable leader ne se profile face à lui pour la présidentielle de 2020. Par certains aspects, le locataire de la Maison-Blanche, très impliqué dans la campagne, sort même renforcé de cette séquence.
Marge de manœuvre réduite
Comme attendu, les Républicains ont perdu leur majorité à la Chambre des représentants mardi. Les Démocrates devaient enlever 23 sièges républicains pour reprendre le contrôle de la chambre basse du Congrès. Mission accomplie avec 221 élus, soit la majorité absolue des 435 sièges, alors que 20 sièges sont encore à attribuer. Mais à l'annonce des résultats, le milliardaire de New York n'a pas, loin s'en faut, opté pour l'humilité. Dans son style caractéristique, il a qualifié la soirée électorale d'"immense succès". "Merci à tous !", a-t-il ajouté dans un tweet. Méthode Coué ? Pas vraiment puisque, malgré la défaite, il n’y a pas non plus eu de "vague bleue" démocrate.
Pourtant, Donald Trump va désormais être contraint de tenir compte de l’avis des Démocrates, une cohabitation qui s’annonce chaotique. La proche conseillère du président Kellyanne Conway a d'ailleurs rapidement mis les points sur les "i". "Donald Trump est conscient qu'il devra travailler avec les Démocrates au Congrès", a-t-elle affirmé, avant de rejeter par avance la faute sur ces derniers, accusés d'avoir "montré peu d'appétit pour travailler avec le président". Le retour des Démocrates aux commandes de la Chambre devrait notamment freiner les ambitions du président en matière de politique économique et migratoire.
Possibles enquêtes relancées
En prenant le contrôle de la chambre basse, les démocrates s'offrent également la possibilité de lancer une procédure de destitution contre le Donald Trump. L'état-major démocrate a laissé entendre qu'il était réticent à déclencher cette option explosive, probablement vouée à l'échec face au Sénat républicain, qui a le dernier mot. Mais la jeune garde progressiste fraîchement élue pourrait ne pas s’embarrasser de telles considérations, ne serait-ce que pour déstabiliser le locataire de la Maison-Blanche. "Il n’y aura pas de majorité au Sénat pour mener à bien une procédure d’impeachment pour destituer le président ? Et alors ? Le harcèlement est au programme", avance l’éditorialiste d’Europe 1 Vincent Hervouët.
En réalité, la menace la plus grave qui pèse sur Donald Trump après les élections de mardi a trait aux enquêtes contre sa personne et son entourage. En contrôlant la Chambre des représentants, l'opposition démocrate aura désormais les mains libres pour lancer des enquêtes parlementaires à tout-va, notamment sur les soupçons de collusion entre l'équipe de campagne de Donald Trump en 2016 et Moscou. D’autant plus qu’Adam Schiff, qui mène la vie dure au président quant à ses liens avec la Russie, a été facilement réélu en Californie et devrait prendre la tête du comité de renseignement de la Chambre, aujourd’hui piloté par un Républicain.
Le Sénat, la victoire de Trump
Conscient que la perte de la Chambre des représentants ne faisait aucun doute, Donald Trump a préféré mettre le paquet sur le Sénat. Le président avait habilement pris soin ces derniers jours de surtout faire campagne pour les candidats républicains au Sénat dans sa rafale de rassemblements "Make America Great Again", faute de temps, disait-il, pour les Républicains en lice pour la Chambre, beaucoup plus nombreux. Un choix stratégique puisque le GOP a renforcé sa majorité à la chambre haute du Congrès.
Pour enfoncer le clou, le président a choisi de citer sur Twitter Ben Stein, un auteur américain, qui a tenu mardi des propos très élogieux sur Fox News, la chaîne préférée du magnat de l'immobilier : "C’est seulement la cinquième fois en 105 ans qu’un président en exercice remporte des sièges au Sénat. M. Trump a quelque chose de magique. (…) Bien qu’il ait l’intégralité des médias contre lui, il parvient à obtenir ces incroyables succès". Dans les faits, la majorité républicaine élargie au Sénat lui permettra notamment de poursuivre les nominations de juges conservateurs à un rythme soutenu.
Le "style Trump" conforté
Plus nuancés que prévus, les résultats des Midterms pourraient même enhardir le président, le pousser à être plus trumpiste que jamais, à réorganiser son équipe et faire taire les rares voix dissidentes dans son entourage ou au sein du "Grand Old Party". En effet, le "style Trump" fonctionne toujours en campagne, comme l'ont prouvé les victoires emblématiques des républicains au Texas (Ted Cruz réélu au Sénat) ou en Floride (élection au poste de gouverneur du très pro-Trump Ron DeSantis), deux États où le milliardaire s'était personnellement impliqué.
De plus, les semaines passées à sillonner l'Amérique sur les estrades de campagne ont donné à Donald Trump - qui n’a plus qu’une date en tête : le 3 novembre 2020, date de l’élection présidentielle -, une forme d'énergie renouvelée. Dans les salles remplies de casquettes rouges "Make America Great Again", ses partisans criaient déjà : "Quatre ans de plus !". Et si les critiques devraient continuer de pleuvoir sur la mèche blonde du président pendant les deux prochaines années, son électorat semble lui être encore grandement dévoué.
Qui face à Trump en 2020 ?
C’est le principal enseignement de ces élections de mi-mandat côté Démocrates : certes, l’opposition a réussi à faire émerger quelques nouvelles têtes, principalement des femmes issues des minorités, mais elle ne s’est pas trouvé de véritable leader. Alors que tous les espoirs étaient placés dans la victoire de Beto O’Rourke, candidat au Sénat, celui que l’on compare parfois à Barack Obama s’est finalement incliné, de peu, face au Républicain sortant Ted Cruz.
Creux générationnel. Les résultats de mardi offrent de facto à Donald Trump une adversaire toute désignée : la chef des démocrates à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (dont le siège n’était pas remis en jeu). Mais à 78 ans, l'élue de San Francisco ne sera pas nécessairement dans la meilleure position pour résister à ses attaques, tant la pression est forte dans son propre camp en faveur d'un renouvellement. Une demande de nouvelles figures qui ne joue pas non en faveur des vieux briscards du parti : le sénateur du Vermont Bernie Sanders, 77 ans, l'ancien vice-président Joe Biden, 75 ans, ou encore l'élue du Massachusetts Élizabeth Warren, 69 ans, peineront à rassembler autour de leur personne en 2020.
Ce creux générationnel pourrait profiter à Donald Trump, qui aura tout de même 74 ans en 2020. Le président ne cache d’ailleurs pas qu'il serait plus à l'aise face à une figure connue. "La seule chose qui m'inquiète c'est l'arrivée d'un inconnu complet dont personne n'a jamais entendu parler", lançait-il fin septembre, mi-sérieux, mi-amusé, lors d'un meeting de campagne en Virginie occidentale. Après les Midterms, son vœu semble avoir été exaucé.