Ancienne figure de proue du mouvement démocratique de Tiananmen en 1989 et bête noire du régime communiste, Liu Xiaobo est mort jeudi, à l'âge de 61 ans, des suites d'un cancer. Il avait été le premier Chinois à recevoir le prix Nobel de la paix, en 2010.
Un premier séjour en prison après Tiananmen. En 1989, de retour des Etats-Unis, où il avait enseigné à l'Université Columbia de New York, cet enseignant participe au mouvement démocratique de la place Tiananmen, déclenché par les étudiants. Face au durcissement du régime, il prend part à la grève de la faim sur la célèbre esplanade de Pékin. Arrêté après la sanglante répression du mouvement, Liu Xiaobo passera un an et demi en prison sans jamais avoir été condamné.
Il est ensuite envoyé dans un camp de rééducation "par le travail" entre 1996 et 1999 après avoir réclamé une réforme politique et la libération des militants de 1989 toujours emprisonnés. Exclu de l'université, il devient l'un des animateurs du Centre indépendant Pen Chine, un regroupement d'écrivains, et garde un contact étroit avec le monde intellectuel, contournant la censure pour diffuser ses livres et essais à Hong Kong.
Condamnation à onze ans de prison. À l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme, il participe à la rédaction de la "Charte 2008", qui appelle notamment au respect de la liberté d'expression et à l'instauration d'élections pour un "pays libre, démocratique et constitutionnel". Cela lui vaut d'être condamné, le jour de Noël 2009, à 11 ans de prison pour "subversion du pouvoir de l'Etat". Depuis, les Etats-Unis et l'Union européenne n'ont cessé de réclamer sa libération. Liu Xiaobo est alors devenu l'incarnation du combat pour les idéaux démocratiques en Chine.
Dans une interview publiée en 2009, l'écrivain expliquait garder espoir quant à l'évolution politique du pays le plus peuplé du monde : "Cela va progresser très lentement, mais l'exigence de liberté - chez les gens mais aussi les membres du Parti - ne seront pas faciles à endiguer."
Le Nobel de la paix en 2010. C'est depuis sa cellule de prison, où il purgeait une condamnation pour "subversion", que Liu Xiaobo avait appris en octobre 2010 l'attribution du prix Nobel de la paix, une récompense qu'il avait dédiée aux morts de Tiananmen. Un prix qui avait évidemment provoqué la fureur de Pékin, pour qui le militant des droits de l'homme n'est qu'un "criminel". "Je n'ai ni ennemis ni haine", assurait-il alors selon un texte lu lors de la cérémonie de remise du Nobel. Liu Xiaobo se faisait fort de "répondre à l'hostilité du régime par la bonne volonté et à la haine par l'amour".
Le dissident avait été libéré en mai dernier après huit années en prison. L'écrivain de 61 ans avait bénéficié d'une mise en liberté conditionnelle après avoir été diagnostiqué d'un cancer du foie en phase terminale.