"Merci ! Merci !". Depuis sa chambre d’hôtel au Danemark, où son groupe est en tournée, Almeida, le guitariste (et chef d’orchestre) de Tal National, se réjouit de pouvoir enfin s’adresser au public français. "Vous savez, nous n’avons jamais donné de concerts en France. Jamais !", nous confie-t-il par téléphone.
Des cafés de Niamey à la scène internationale
Inconnu du public français, Tal National est pourtant l’un des groupes les plus célèbres de son pays. Au Niger, il n'est un foyer qui ne connaît les chansons de cette formation de dix musiciens. Cet orchestre populaire remplit des stades entiers lors de ses concerts. Récemment, c’est aux Etats-Unis puis au Danemark que le groupe s’est produit. Une aventure extraordinaire pour ce groupe d’amis musiciens amateurs qui préparent leur cinquième album.
"L’orchestre a vu le jour en 2001. Nous étions des amis qui se retrouvaient le soir pour jouer de la musique", explique Almeida, "et puis, au fur et à mesure, nous avons joué dans les cafés, puis les cabarets, jusqu’à en arriver là". "Là", une manière très humble pour parler d’un groupe désormais adulé dans son pays et au-délà.
Tal National invité de la radio américaine KEXP :
" J’ai vu les regards de mes collègues changer "
Joueur de foot, juge et guitariste
A l’époque de la formation du groupe, Almeida était greffier et jouait au foot en deuxième division à Zinder, à 1.000 kilomètres de la capitale. "Comme il n’y avait pas grand-chose à faire le soir, j’ai appris à faire de la musique", raconte-t-il. A l’époque, ses collègues ne voient pas d’un très bon œil ses activités extra-professionnelles.
Puis Almeida est nommé juge au tribunal de grande instance de Niamey. En parallèle, Tal National commence à se forger une belle réputation. "J’ai vu les regards de mes collègues changer. J’ai commencé à avoir des compliments. Même mon ministre est devenu fan du groupe", s’amuse-t-il. Dans la salle d’audience du tribunal, les Nigériens qui comparaissent ne cachent pas leur surprise lorsqu’ils font face au magistrat-guitariste. Certains curieux viennent même assister aux audiences, non pas dans le but de suivre les cas d’infractions pénales, mais pour voir le juge-star à l’œuvre.
Une formation à l’image du Niger
Si Tal National est devenu une formation incontournable au Niger, c’est sûrement grâce à la diversité de ses musiciens. "Nous avons des Peuls, des Haoussas, des Touaregs", énumère Almeida. Une formation à l’image du pays. "Nous faisons de la musique d’ambiance, de la musique populaire qui permet aux Nigériens d’oublier les difficultés du quotidien. Nous faisons danser les gens".
Si Tal National se définit comme un groupe populaire, la formation est, par la force des choses, devenue militante. Depuis quelques années, les musiciens se heurtent aux problèmes politiques qui gangrènent le pays. "L’intégrisme est de plus en plus fort. Nous sommes souvent attaqués dans les prêches des imams, alors que nous sommes musulmans, car notre musique parle des femmes, du corps de la femme ou encore du divorce", détaille le guitariste.
Alors Tal National a décidé de ne pas se laisser faire, quitte à prendre des risques. "Nous arrivons à faire le tour du Niger malgré les menaces", souligne fièrement Almeida. "La musique est décriée par les intégristes, mais Tal National continue à être chanté dans tous les foyers ! ", se targue-t-il. "Nous avons choisi de faire connaître le Niger par la culture, par la musique. C’est un combat que nous avons choisi. C’est combat que nous allons mener", conclut-il.