La saison 2017 des prix Nobel s'achève lundi avec le prix d'économie qui pourrait couronner des recherches rarement mises en avant, à l'instar de celles menées par la Française Esther Duflo, sur la pauvreté et le développement. Le dernier-né des Nobel, officiellement "prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel", décerné pour la première fois en 1969, doit être attribué lundi à 11h45 à Stockholm.
Récompenser un domaine jusque là négligé ? L'économiste Avner Offer, co-auteur du livre Le facteur Nobel paru en 2016 avec Gabriel Söderberg, voit le prix revenir à la Française Esther Duflo, 44 ans, professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT, Etats-Unis) et spécialisée dans l'économie du développement, un domaine récompensé seulement deux fois en 48 ans. "Elle est une pionnière de l'essai contrôlé randomisé (ECR), devenu un courant majeur en économie au cours des vingt dernières années", estime l'économiste.
Technique inspirée par les ECR en médecine, cette nouvelle méthode cherche à mesurer l'impact des soins pour évaluer le traitement étudié, sur deux groupes de population (un "groupe aléatoire" et un "groupe témoin" qui ne bénéficie pas du traitement). Avec ces expérimentations, il est possible de comparer les effets d'un programme à ce qu'il se serait passé s'il n'avait pas été introduit. Il permet ainsi de juger des dispositifs mis en place et de leur efficacité. Esther Duflo serait la seconde femme à obtenir le Nobel d'économie, après l'Américaine Elinor Ostrom en 2009.
L'Ecole de Chicago encore primée ? Le quotidien de référence suédois Dagens Nyheter (DN) pariait lui dimanche sur l'Américain Paul Romer, chercheur de 61 ans formé à Chicago et actuel économiste en chef de la Banque mondiale, pour avoir théorisé "la croissance endogène" dès 1986. Il pourrait partager son prix avec son compatriote Robert Barro et/ou le Français Philippe Aghion. Les Américains Martin Weitzman et William Nordhaus, spécialistes des conséquences économiques du réchauffement climatique, sont aussi dans l'air du temps.
Le comité Nobel a favorisé largement dans le passé les recherches réputées néolibérales. Sur 78 lauréats, plus d'un tiers d'entre eux sont ainsi rattachés à l'Université de Chicago, entre les murs de laquelle s'est développée l'école économique du même nom, un courant de pensée porté par Milton Friedman. Des économistes libéralo-critiques comme Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Robert Shiller ou Paul Krugman ont certes été récompensés par le Nobel, mais ils demeurent marginaux.