"Le choc. La consternation". En Allemagne, au Portugal, en Belgique, au Danemark ou encore en Grande-Bretagne, le score du Front national lors du premier tour des élections régionales en France a eu l’effet d’une claque sur nos voisins européens. Pour la première fois, certains, ont pris conscience, non seulement de la montée de l’extrême droite en France ; mais aussi de l’impact que cela pourrait avoir au sein de l’Union européenne.
Une angoisse pour les voisins européens. "Il faut évidemment relativiser ce résultat car il ne s’agit que du premier tour pour le moment, mais aussi seulement d'élections régionales", estime Stefan Simons correspondant pour le site d’informations en ligne Der Spiegel online. "Mais il ne faut pas négliger la tendance que montrent ces résultats, qui commence à s’ancrer dans le paysage politique français et qui doit être vue comme une mise en garde", ajoute-t-il.
Outre-Manche, le premier tour des élections régionales a réveillé de vieux fantômes. "Cela a créé une sorte d’angoisse, chez certains Britanniques, qui ont réalisé que cette montée de l’extrême droite pourrait très bien se produire ici aussi", explique Philip Turle, journaliste britannique et correspondant pour RFI. "Si le Ukip (parti nationaliste) a été battu lors du dernier scrutin au mois de mai, il reste néanmoins une force dans le pays", ajoute-t-il.
Des craintes pour le projet européen. Une crainte partagée au Portugal où l’idée qu’une vraie tendance nationaliste, anti-européenne, pourrait avoir un effet désastreux sur la solidité de l’UE. "Il y a dans le milieu politique et intellectuel portugais, une certaine difficulté à prendre le Front national au sérieux. On l’a toujours cantonné dans le rôle du parti de contestation qui sert d’exutoire à toute une partie de la population, mais qui n’en sortira jamais. Et là, avec ce résultat, ça a été un choc", analyse Ana Navarro-Pedro, correspondante en France de l’hebdomadaire portugais Visao.
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Un choc également vécu chez nos voisins belges. "Même si on voit bien que le parti de Marine Le Pen n’est plus celui de son père, que le parti a changé, on sait aussi que c’est toujours un parti d’extrême droite", commente Olivier Le Bussy, de La Libre Belgique. Pour ce spécialiste de la vie politique européenne, les résultats du premier tour étaient attendus, mais cela n’a pas amoindri "l’effroi ressenti par les Belges".
Pour Ana Navarro-Pedro, les Portugais craignent que la montée du FN ne donne des ailes à d’autres partis nationalistes en Europe. "Ce que nous pouvons redouter, c’est une tendance à mettre en place des politiques qui vont dans le sens de l’enfermement et qui sont rétrogrades sur le plan économique, social et culturel", ajoute-t-elle. En pleine période de doute sur le sens à donner au projet européen, cette montée du Front national n’est pas pour rassurer les partenaires de la France.
Pour Solveig Gram-Jensen, du quotidien danois Jyllands-Posten, cette percée du FN est une opportunité pour François Hollande, au plan européen. "Si Angela Merkel ne veut pas que le Front national monte alors elle laissera un peu plus de marge au chef de l’Etat français sur le plan du budget par exemple", estime la journaliste.
Une fragilisation des relations franco-allemandes. Mais du côté allemand, on juge que "la montée du FN depuis plusieurs années a déjà laissé des traces sur l’image de la France. Et on s’interroge sur les effets potentiels sur la coopération franco-allemande au sein de l’Union européenne", confirme Stefan Simons du Der Spiegel online. "Je crois que le grand public allemand ne s’était pas rendu compte de cette ascension progressive de l’extrême droite en France", souligne le journaliste, dont le magazine a publié cette semaine un dossier de cinq pages pour expliquer où et comment se positionne le FN.
Une image ternie et un pouvoir questionné. Pour Ana Navarro-Pedro il ne fait aucun doute que la montée de parti de Marine Le Pen ne va faire "que ternir davantage l’image de l’Union européenne dans le monde, déjà bien écornée avec la gestion de la crise des migrants". Mais tous refusent d’y voir un basculement de la société française vers les idées de l’extrême droite.
"La France est un pays malade depuis longtemps. Ca ne date pas de François Hollande, ni même de Nicolas Sarkozy", estime Olivier Le Bussy, de La Libre Belgique. Le journaliste refuse de jeter la pierre aux Français : "c’est le résultat d’une classe politique qui n’a pas su écouter. Si nous avions un personnage aussi charismatique que Marine Le Pen et ancré depuis aussi longtemps qu’elle dans le paysage politique belge, nous aurions sûrement des résultats semblables ici".