Entériner la "grande renaissance" de la Chine. Le président chinois Xi Jinping, reconduit mercredi pour un deuxième mandat de cinq ans, a livré un ambitieux programme de réformes : lutte contre le changement climatique et les inégalités, programmes d’investissements massifs, reconfiguration de l’économie. L’homme fort de la Chine se pose en réformateur à la fibre sociale, mais dans le même temps, le leader du Parti communiste chinois (PCC) ne laisse aucun espoir de libéralisation politique, concentrant tous les pouvoirs comme aucun autre dirigeant chinois depuis Mao Tsé-toung.
- Un pouvoir concentré dans les mains d’un seul homme
Mardi, le nom de Xi Jinping a été inscrit dans la charte du PCC, un honneur réservé jusqu’ici à Mao Tsé-toung (au pouvoir de 1943 à 1976), fondateur du régime, et à Deng Xiaoping (1978-1992), grand artisan des réformes économiques. "L’objectif de Xi Jinping est de renforcer son rôle à l’intérieur et à l’extérieur du pays. C’est un discours de puissance", analyse Valérie Niquet, responsable du Pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (AFRS) et auteure du livre La puissance chinoise en 100 questions, interrogée par Europe 1. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, Xi Jinping a joint la parole aux actes. Aucun domaine de la société, de l’économie à l’énergie en passant par l’armée, ne lui échappe. Dans son discours d’ouverture du congrès du PCC, mercredi dernier, l’homme fort de la Chine n’a d’ailleurs laissé place à aucune ambiguïté : il ne compte aucunement desserrer son étreinte sur le pays.
Sous son mandat, le pays a lancé une vaste lutte contre la corruption, touchant aussi bien les "tigres" (hauts dirigeants) que les "mouches" (la base). La Chine a surtout connu une réduction sensible des libertés avec le contrôle renforcé d’Internet, de vastes coups de filets contre les militants des droits de l’Homme en 2015 ou encore la mort en prison du dissident chinois Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix en 2010, en juillet dernier. Conséquence : ce serrage de vis a tué, ou presque, toute velléité contestataire. "Il existe un mécontentement à travers les réseaux sociaux, mais il n’y a pas d’opposition organisée politiquement. Ces voix qui contestent le pouvoir en place n’en font pas un mouvement", détaille Françoise Nicolas, spécialiste de la Chine à l’Ifri (Institut français des relations internationales), interrogée par Europe 1. Plus que jamais, le destin de la deuxième puissance mondiale s’écrit avec Xi Jinping.
- Des défis économiques et sociaux gigantesques à relever
Le président chinois doit affronter d’immenses défis dans les cinq années à venir. Le premier d’entre eux : relancer l’économie du pays, qui tourne au ralenti ces dernières années (6,7% en 2016 contre 10,6% en 2010 selon la Banque mondiale). Pour remettre de l’huile dans le moteur, Xi Jinping compte reconfigurer le logiciel chinois en abandonnant progressivement la stratégie du "made in China". "L’ambition est claire : monter en gamme et insérer encore davantage le pays dans l’économie mondiale. Mais ce n’est pas parce que la Chine veut faire davantage de valeur ajoutée qu’elle va abandonner la production de produits basiques. Ces deux réalistes coexistent", explique Françoise Nicolas. Xi Jinping a également promis de libéraliser davantage l’économie, assurant vouloir traiter "équitablement" les entreprises étrangères sur le marché chinois. Sauf que ce discours contraste avec la réalité. L’Union européenne et les États-Unis accusent régulièrement Pékin de favoritisme envers ses champions nationaux et de protectionnisme, multipliant les enquêtes commerciales à son encontre.
Dans le domaine social, la volonté réformiste du président chinois se fracasse elle-aussi sur le mur des réalités. Xi Jinping a beau affirmé vouloir lutter contre les inégalités sociales, la Chine reste l’un des pays les plus inégalitaires au monde. "Pour que la population adhère à son projet les Chinois doivent avoir l’impression que les fruits de la croissance vont être partagés", estime Françoise Nicolas. "Le mécontentement est cependant davantage lié aux questions environnementales", poursuit la spécialiste de l’IFRI. Le président chinois a lancé d’ambitieux programmes dans l’éolien, les énergies solaires et dans le développement des voitures électriques. Sauf que, là encore, le chantier s’annonce colossal. "Sur le climat, il y a un discours volontaire mais la mise en œuvre est très difficile, notamment en raison de la lourdeur de la bureaucratie", s’inquiète Valérie Niquet.
- Une puissance à renforcer sur la scène internationale
Très ambitieux à l’intérieur, Xi Jinping n’entend pas abandonner la scène internationale. "L’objectif est d’être la première puissance mondiale en 2050. La Chine ne veut pas imposer ses valeurs : elle se perçoit comme le centre du monde et veut le montrer. La Chine veut sortir de siècles d’humiliation", soutient Françoise Nicolas. Pour y arriver, le président a promis de hisser l’armée chinoise au premier rang mondial d’ici une trentaine d’années et de poursuivre sa stratégie diplomatique offensive, notamment en Asie, où le pays a considérablement étendu son influence.
L’affirmation de la puissance chinoise passe également par "le soft power", et le sport en particulier. Après avoir organisé les Jeux olympiques d’été en 2008, Pékin accueillera ceux d’hiver en 2022. Mais la Chine a un objectif encore plus ambitieux en ligne de mire : obtenir l’organisation de la plus prestigieuse compétition sportive au monde, la Coupe du monde de football, un événement censé être le point d’orgue du développement du ballon rond dans le pays. Car depuis plusieurs années, poussés par le gouvernement central, les entreprises et les milliardaires chinois ont déversé des milliards d’euros pour s’offrir des stars du ballon rond et investir dans des centres de formation. Pour le moment, les résultats se font attendre. La sélection chinoise, seulement 57e nation au classement Fifa, a échoué à se qualifier pour le Mondial 2018. Dans ce domaine, la Chine a encore beaucoup à prouver...