Ségolène Royal, qui représentait la France aux funérailles de Fidel Castro, a essuyé dimanche une volée de bois vert, après avoir relativisé la veille les accusations de violations des droits de l'Homme à Cuba en mettant en doute l'existence de prisonniers politiques à Cuba. Selon elle, il n'existe pas de liste. Et pourtant, nous en avons retrouvé une...
Une centaine de prisonniers politiques. Une liste où, noir sur blanc, figure les noms d'opposants actuellement emprisonnés. Dessus, les noms, les dates, les lieux, les motifs pour chaque incarcération. Cette liste, nous avons réussi à l'avoir grâce à l'Union patriotique de Cuba, principale organisation d'opposants du pays. Son président, José Daniel Ferrer, fait le décompte tous les jours. "Au total, en ce moment, il y a près de 100 prisonniers politiques selon la commission cubaine des droits de l'homme", assure-t-il. "Ce sont des gens très sérieux à qui la France a décerné un prix en 1996, poursuit-il. Et nous, on a 47 prisonniers politiques qui font partie de notre organisation. Les peines qu'ils endurent vont de de 2 à 5 ans de prison simplement pour avoir manifesté pacifiquement".
Des arrestations quotidiennes. L'an dernier, à la faveur du rapprochement avec Washington, Barack Obama avait aussi demandé une liste à Cuba. Et lui, il l'avait obtenue. La Havane avait reconnu l'existence de 53 prisonniers politiques, tous libérés. Sauf que dans le même temps, les arrestations d'oppositions continuent tous les jours. Des détentions de quelques heures, sans aucun jugement, pour n'importe quelle raison. Cela arrive à Bertha Solers, opposante du régime castriste, à chaque fois qu'elle essaie de prendre l'avion pour se rendre aux Etats-Unis.
"La veille du voyage, raconte Bertha, ils t'arrêtent et te mettent en prison juste 24 heures pour n'importe quel motif pour que tu rates ton vol. Moi, ils m'ont gardé près de 30 heures et il savaient parfaitement que j'allais voyager aux Etats-Unis. Ils me disaient 'l'avion va partir''. A cause de ces arrestations et incarcérations "express", les autorités ont beaucoup de difficultés à garder leur listing à jour.
10.723 victimes au total. "Ils se sont inspirés de la Révolution française sans pour autant connaître la terreur qu'il y a eu pendant la Révolution française", a affirmé la ministre de l'Environnement. Est-ce que Ségolène Royal réécrit l'histoire ? Il y a une période terrible que les Cubains évoquent encore aujourd'hui. "Avant, je ne pouvais même pas parler avec un touriste dans la rue", déplore Pedro. "Si je vous avais parlé à vous, les journalistes, j'aurais pu disparaître". Et le pic d'arrestations, on le situe dès le début du régime de Fidel Castro. Pour la seule année 1960, 631 condamnations à mort ont été prononcées. Les chiffres des ONG varient mais le projet de Cuba Archive avance un chiffre solide. Au total, ils ont recensé 10.723 victimes avec pour chacune d'entre elles des données très précises comme les dates ou les types d'exécution.
Une opposition affaiblie et discréditée. Tout ça n'existe plus mais en même temps, l'opposition est très affaiblie. Cette dernière ne dispose de soutien populaire. Elle est même discréditée par ses financements, très souvent américains. Il existe aussi une tolérance du régime vis-à-vis des artistes contestataires mais les fondamentaux sont les mêmes. Un diplomate français le dit de manière beaucoup plus franche que Ségolène Royal. "On travaille avec un parti qui interdit les partis, les réunions publiques", explique-t-il. "Ils assument et nous, on sait parfaitement qu'on n'a pas la même conception des droits de l'homme".