On ne donnait pas cher de la peau de cette "perle antique". Le 21 mai dernier, Palmyre tombait aux mains des djihadistes de l'organisation Etat islamique (EI). Après les vidéos de destruction des statues et autres trésors historiques du musée de Mossoul, les archéologues craignaient donc le pire pour les ruines qui abondent à Palmyre. Pourtant, l'Etat islamique affirme avoir laissé intacts ces vestiges. Et même martelé dans une nouvelle vidéo où sont filmés les théâtres antiques et colonnades de la ville qu'il ne leur ferait subir "aucun dommage", rapporte The Guardian (en anglais).
Une mansuétude qui ne s'applique néanmoins pas aux statues de Palmyre : "Nous pulvériserons ces statues que les mécréants adoraient auparavant", a affirmé un djihadiste cité par France 24. Et pour cause, comme l'expliquait l'historien Maurice Sartre sur l'antenne d'Europe 1, "l'EI vit dans une obsession, celle de la lutte contre l'idolâtrie, contre les restes de la période pré-islamique qu'a connue la région".
>> Pourquoi, mis à part les statues, l'EI a-t-il décidé d'épargner les vestiges antiques de Palmyre ? Une stratégie qui, comme bien souvent avec l'organisation terroriste, s'inscrit dans une logique de communication bien huilée.
• Idéologiquement, l'attitude de l'EI n'a rien de surprenant
Pour Wassim Nasr, journaliste à France 24 cité par la chaîne, cette décision d'épargner les bâtiments antiques n'a rien de surprenant : "Il ne faut y voir aucun changement, l'EI est au contraire dans la droite ligne qu'il s'est tracée. Les djihadistes ne détruisent que les statues, ce n'est donc pas nouveau." Un milicien anti-régime cité par The Guardian explique que Palmyre échappe ainsi à une destruction de masse. La raison ? "La plupart des sites qu'elle abrite comptent essentiellement des colonnes et des bâtiments et pas des statues". En revanche, l'EI a assassiné plusieurs dizaines de partisans du régime de Bachar al-Assad dans un amphithéâtre romain, un moyen de prouver que ses combattants n'hésitent pas à faire couler le sang sur ces lieux historiques.
• En préservant les bâtiments, l'EI évite de s'attirer les foudres de la population
Maurice Sartre l'affirmait sur Europe 1, "Palmyre, comme la mosquée des ommeyades, fait partie des sites les plus rassembleurs pour la population, c'est un vrai symbole pour la nation syrienne". Détruire Palmyre reviendrait donc à se mettre à dos la population. En revanche, l'EI a trouvé en ville un autre symbole auquel s'attaquer. En faisant sauter la prison, les djihadistes ont fait chuter un symbole de la répression sanglante engagée par le père de Bachar al-Assad, Hafez al-Assad. Dans les années 80, cette prison était connue pour avoir abrité les tortionnaires du régime qui y ont massacré plusieurs centaines de détenus. Là encore, l'Etat islamique a utilisé la force de l'image pour interpeller l'opinion publique. En filmant l'intérieur des cellules et l'état déplorable du bâtiment, ils sont devenus les premiers à dénoncer l'horreur des conditions de détention dans cette prison. Et peuvent espérer s'attirent ainsi la sympathie d'une partie de la population opposée au régime de Damas.