"Panama papers ? Je ne connais pas. Qu’est-ce que c’est ?". Depuis la Chine, à l’autre bout du combiné, L. un habitant de Pékin, (il tient à rester anonyme) nous explique qu’il n’a jamais entendu parler du scandale. Après lui avoir expliqué l’affaire en détails, il nous demande quelques minutes pour faire des recherches sur internet. Il veut voir ce qui s’en dit sur les réseaux sociaux. Là encore : rien. "Si vous mettez le hashtag "panama papers", votre message est automatiquement censuré", poursuit-il. "Et si vous cherchez dans un moteur de recherche, ça renvoie vers des pages qui ont été supprimées".
Pourtant, Pékin est loin d’être épargné par le scandale. Au moins huit membres, anciens ou actuels, du comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois sont mentionnés dans les 11,5 millions de documents qui ont fuité du cabinet d’avocat panaméen Mossack Fonseca. Mais rien n’a fuité dans la presse. "Rien pour le moment", nous dit notre contact. "Vous verrez, dans deux semaines, on commencera à en entendre parler ici. Ils ne peuvent pas contenir l’information si longtemps", conclut-il.
- L’autocensure, une vieille habitude
Au Maroc, difficile aussi de trouver un article qui évoque le lien entre les "Panama papers" et le palais. Pourtant, un proche du roi du Maroc y est cité : Mounir Majidi. Cet homme n’est pas un simple collaborateur de Mohammed VI, il est son secrétaire particulier. Selon les documents, ce proche du roi serait l’administrateur de deux sociétés offshore domiciliées aux Iles Vierges britanniques. "Mais ici, personne n’en parle", déplore Mehdi Michbal, journaliste au Desk, un nouveau site d’information, "construit sur le même modèle que Mediapart", explique-t-il.
Selon lui, la censure n’est pas venue du palais, "mais directement de la presse qui s’autocensure". Une vieille habitude à la dent dure. "Je pensais que les choses avaient changé avec l’adoption de notre nouvelle Constitution et le Printemps arabe", regrette le journaliste. Mehdi Michbal s’interroge de la suite des "Panama papers". "On sait que 40 Marocains sont cités dans les documents. C’est une affaire marocaine. Mais comment les médias expliqueront-ils, demain, qu’ils n’ont pas traité l’affaire du secrétaire du roi, alors qu’ils le feront quand d’autres noms sortiront ? ".
- Alger contre-attaque
En Algérie voisine, la presse, elle n’a pas manqué de dénoncer le silence du gouvernement sur l’affaire. Car le ministre de l'Industrie algérien, Abdesselam Bouchouare fait lui aussi partie des 140 personnalités citées dans les "Panama papers". Le quotidien El Watan dénonce "le silence scandaleux des autorités", alors que Liberté se demande si "Bouchouareb peut encore rester" au gouvernement. Finalement, les autorités sont sorties de leur silence, mais pas pour commenter l’affaire. Le ministère des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de France à Alger pour avoir des explications sur "la campagne hostile" menée par le quotidien Le Monde qui a cité – à tort - le nom du président Abdelaziz Bouteflika dans l’affaire des "Panama papers", avant de se rétracter.
Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a évoqué une "campagne malveillante et fallacieuse "et souligné " la nécessité morale et politique que des autorités françaises qualifiées marquent clairement leur réprobation de cette campagne". Pas un mot en revanche, sur le ministre de l’Industrie, qui a détenu une société établie au Panama, à travers les services d'une société de domiciliation d'entreprises offshore.