La réconciliation n'a pas eu lieu. Le G7, qui s'achève ce samedi après-midi, se tenait sous haute-tension cette année. Après l'annonce de Donald Trump de taxer les importations d'acier et d'aluminium européens, le sommet devait notamment permettre de régler les différends commerciaux entre les Etats-Unis et l'Europe. Mais aucune solution n'a été trouvée. De quoi définitivement consommer le divorce entre l'Europe et les Etats-Unis ?
"La loi du plus fort". "Probablement", répond Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et président émérite de l'Institut Jacques Delors, invité de C'est arrivé cette semaine. "En cela, il est un moment dans ce grand changement que Trump essaie de provoquer", analyse-t-il. "Depuis soixante-dix ans, les Américains ont été pilotes de la construction d’un ordre international dont l’objectif était d’éviter la guerre."
Or c'est précisément cet ordre que Donald Trump entend démolir. "Il pense, et c’est là que c’est grave, que cet ordre affaiblit les Etats-Unis, que les Etats-Unis ont été trop coopératifs et qu’il faut revenir à la loi du plus fort", estime Pascal Lamy. "Donc tout ce qui ressemble à des disciplines internationales, à des traités ou à des engagements, il dit, 'tout ça à la poubelle, vive la loi du plus fort et on verra bien !'"
La fin du multilatéralisme ? Pour autant, l'attitude du président américain sonne-t-elle le glas de la méthode globale et du multilatéralisme, appliqués jusque-là pour régler les problèmes du monde ? "Si on laisse Donald Trump créer une situation où le monde de demain ne sera dominé que par les Etats-Unis et la Chine, oui", affirme Pascal Lamy.
Une situation de domination qui serait "très mauvaise pour l'Europe", selon l'ancien directeur général de l'OMC. La solution d'après lui ? Ne pas se laisser faire. "Il faut fédérer une coalition qui, en face d’initiatives de rupture, réagit, assure-t-il. "C’est ce que l’Europe fait, par exemple, en matière commerciale, poursuit-il. "Si Trump colle des droits de douanes sur l’acier et l’aluminium européen, on réagit et on réplique : 'ce n’est pas conforme au droit de l’OMC'."
"Limiter la capacité de démolition de Trump". Œil pour œil, dent pour dent, donc. "Je pense qu’il faut mettre des limites à la capacité de démolition de Trump parce que si on le laisse faire alors nous aurons, nous-mêmes, à un moment, un problème", insiste Pascal Lamy.
Pour ce faire, l'Europe peut donc des sanctions mais pas seulement. "Pour éviter la destruction de cet ordre multilatéral, il faut s’intéresser à ce qui se passe aux Etats-Unis", analyse Pascal Lamy. Car, selon lui, seul le Parlement américain pourra être en mesure de contrôler Donald Trump. "Le président américain doit obéir à la constitution américaine, explique-t-il. Or, elle prévoit que c’est le parlement américain qui autorise le président à faire ou à ne pas faire, et notamment en matière commerciale".
"Perpétuer une identité européenne". En d'autres termes, pour marquer des points, l'Europe a intérêt à faire du lobbying auprès du Congrès américain, plutôt qu'auprès du président, lui-même. Mais pour que la stratégie fonctionne, encore faudrait-il que l'Europe reste unie. Ce qui dans le contexte post-Brexit n'est pas tout à fait évident. Pourtant, récemment, Emmanuel Macron estimait que toutes ses difficultés avec les Etats-Unis permettaient de "reforger l'Europe".
"Je pense qu'il a raison", assure Pascal Lamy. "Cela démontre la nécessite de faire avancer l’intégration européenne. Si on suppose que nous allons vers un monde les Etats-Unis et la Chine sont les deux grandes puissances, nous ne devons pas être condamné à choisir entre les deux !" Conséquence ? "Il faut que l'Europe devienne suffisamment souveraine. Il n’y a que comme ça qu'on pourra perpétuer une identité de la civilisation européenne."