Les conservateurs au pouvoir en Pologne ont défié jeudi la Commission européenne en votant une loi controversée sur la Cour suprême, dénoncée par l'opposition comme un "coup d'État" réduisant l'indépendance de la justice.
Donnant à l'exécutif une forte influence sur la Cour suprême, le Parlement polonais a ignoré la mise en garde de la Commission européenne qui avait sommé mercredi Varsovie de "mettre en suspens" ses réformes du système judiciaire, agitant la menace de sanctions sans précédent. Ces réformes visent généralement à accroître le contrôle du pouvoir exécutif sur le système judiciaire et à en renouveler le personnel.
L'article 7 du traité de l'UE bientôt déclenché ? La chambre basse, où le parti Droit et Justice (PiS) est majoritaire, a voté la proposition de loi par 235 voix pour, 192 contre et 23 abstentions. Aussitôt connu, le vote a été dénoncé par des manifestants groupés devant le siège du Parlement, dont ils étaient séparés par des barrières métalliques, auxquelles ils donnaient des coups de pied. Une manifestation plus importante était prévue dans la soirée devant le palais présidentiel. "Nous sommes désormais très proches de déclencher l'article 7 du traité de l'UE", synonyme de possibles sanctions comme la suspension des droits de vote de la Pologne au sein de l'Union, a averti le vice-président de la Commission, Frans Timmermans.
Un rencontre avec Donald Tusk refusée. Jeudi, le président conservateur Andrzej Duda a fait savoir qu'il refusait une rencontre avec le chef du Conseil européen Donald Tusk, préoccupé par cette situation. Le parti Droit et Justice (PiS), majoritaire dans les deux chambres et toujours nettement en tête des sondages d'opinion, présente ses réformes comme indispensables pour rationaliser le système judiciaire et combattre la corruption. L'opposition y voit un affaiblissement de la séparation des pouvoirs et une tentative de faciliter aux conservateurs le contrôle de l'ensemble de la vie sociale.
Des milliers de manifestants dans les rues. La loi sur la Cour suprême doit être encore approuvée par le Sénat et signée par le président pour entrer en vigueur. Mais leur approbation semble acquise. Elle vient juste après deux autres textes votés le 12 juillet. Le premier porte sur le Conseil national de la Magistrature et stipule que ses membres seront désormais choisis par le Parlement. Le deuxième modifie le régime des tribunaux de droit commun, dont les présidents seront nommés par le ministre de la Justice.
Leur adoption a poussé les mouvements et partis d'opposition à organiser à partir de dimanche dernier des manifestations de plusieurs milliers de personnes à Varsovie et dans quelques villes de province.
Arrivés au pouvoir en octobre 2015, les conservateurs ont entrepris plusieurs réformes radicales. Certaines - telles celles du Tribunal constitutionnel et des médias publics - ont suscité des critiques de la Commission européenne.